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Affaire PAD : Les hommes-clés

Tel un puzzle au modèle égaré, plus rien ne nous étonne dans cette affaire qui alimente beaucoup d’anecdotes, toutes invérifiables au premier jet, mais qui s’avèrent en fine vraisemblables à force d’être profusément racontées par les bouches les plus autorisées. Il en est ainsi de cette prétendue implication de Franck Biya à convaincre les Suisses de Til-Msc à s’intéresser à la concession de la gestion du terminal à conteneurs du port de Douala. Comme il en est du prétendu rôle joué par le ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des Sceaux, pour faire mordre la poussière au Port autonome de Douala (Pad) au profit de Bolloré, malgré les injonctions du président Paul Biya, chaque fois répercutées par Ferdinand Ngoh Ngoh, ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République. Voici passés en revue, les hommes-clés de cette affaire explosive.

Franck BIYA

Certainement titillé à l’idée de voir les concurrents du littoral ouest-africain du port de Douala, de Tanger à Pointe-noire, rivaliser de projets tous plus ambitieux les uns que les autres, franck Biya, de passage à Lomé, va tomber sous le charme de ce que les suisses de Terminal Investments Limited (Til) réalisent au port de Lomé au Togo. De retour au Cameroun, c’est lui-même, selon nos sources exclusives, qui met la puce à l’oreille du président de la République. C’est donc avec la caution explicite du président Paul Biya, son père, qu’il prend langue avec David El-Bez, le directeur des investissements de Til, pour lui faire part de l’attention favorable que l’Etat camerounais porte sur leur gestion du terminal à conteneurs du port de Lomé. A son tour, le responsable suisse en parle à son patron, Ammar Kanaan, qui, en homme averti, sait que pour réaliser de bonnes affaires au Cameroun, il faut s’appuyer sur un opérateur économique local à l’entregent bien étoffé. Pour ceux qui donnent en petits comités ces judicieux conseils au patron de Til-Msc, Franck Biya est certes le fils du président de la République, mais il faut mieux que ça… C’est donc ainsi que l’un des fils d’Ammar Kanaan se souvient qu’il avait pour camarade à l’université d’oxford au nord-ouest de Londres en Angleterre, Saddam Housseini Baba Danpullo, l’homme le plus riche du Cameroun (selon l’édition africaine du magazine Forbes), l’un des plus importants opérateurs économiques camerounais, actif dans plusieurs branches de l’économie camerounaise et crédité d’innombrables biens immobiliers au Nigeria, en France, en suisse et en Afrique du sud. Il est aussi un grand financier du parti au pouvoir, le Rdpc (don d’une enveloppe de 100 millions de fcfa en 2009). Des mœurs africaines, les suisses présents au Togo depuis des années, ont toutefois retenu cette belle leçon élémentaire : c’est à l’ombre que se tiennent les discussions importantes. Ils la mettent aussitôt en pratique en conviant franck Biya, saddam Housseni Baba Danpullo et son père à une importante réunion au Portugal. C’est au terme de cette réunion que le « roi du thé » de ndawara décide de prendre des parts dans la nouvelle société Til, sur les starting-blocks avec Apmt Terminal de Bolloré, dans la concession de la gestion du terminal à conteneurs du port de Douala. A une condition : que le président Paul Biya donne son ok. Pendant que tout ceci se met en place, loin des regards hors du pays, quand la machine commence à se déployer quelques mois après, à Yaoundé et à Douala, certaines personnes, plutôt, « se tiennent trop près de l’éléphant », comme disent les anglosaxons pour décrire ce manque de recul qui empêche de saisir une situation dans son ensemble. Et apportent des soutiens divers à Bolloré, sous le fallacieux prétexte de faire la volonté du président de la République dont l’investisseur français a toujours été l’ami.

LAURENT ESSO

Au-delà de cette affaire, la responsabilité politique devrait être questionnée. Car si de nombreux observateurs regardent d’un œil méfiant Laurent Esso, ministre d’Etat, ministre de la Justice, Garde des sceaux, c’est qu’on ne sait pas ce qui justifie exactement son attitude mi-figue mi-raisin. Pis, on ne lui connait pas une telle posture de défiance et de bravade envers le président de la République. En effet, selon une opinion généralement répandue au ministère de la Justice, mais exprimée de façon diffuse, toutes les « hautes instructions » relatives à l’Etat camerounais dans cette affaire sont diantrement ignorées au profit de Bolloré. Mais, personne pour dire pourquoi. Dans toutes les sphères du ministère de la Justice où nous sommes allés, la semaine dernière, les regards se font fuyants à la seule évocation de cette lancinante question. Personne ne veut se prononcer publiquement. si l’on en juge par l’extrême prudence avec laquelle certains téméraires en parlent en petits comités, on dirait que le sujet fait même peur. Seulement, combien de fois les « hautes instructions » du président de la République ont, de manière délibérée, été ignorées ?

Ce qui, selon nos sources, a même déjà provoqué plus d’une fois des poussées d’urticaire au secrétariat général de la présidence de la République où ferdinand ngoh ngoh apparait comme un vigie qui veille de façon sourcilleuse sur les intérêts de l’Etat dans cette affaire. A moins qu’au ministère de la Justice, l’on prétende aujourd’hui qu’au nom d’une certaine indépendance de la justice, le loyalisme à l’ancienne, quand le chef était suivi par ses troupes sans que ces dernières ne se posent des questions, n’est plus de mise… Réputé loyal et très à l’écoute des « hautes instructions » de son patron, Laurent Esso est pourtant depuis des années, un atout de poids pour le président Paul Biya à la justice.

Et tous ceux qui l’ont rencontré, ces derniers temps, en conviennent : le magistrat chevronné au verbe affûté ne trahit pas, à cet effet, la moindre émotion pour dire qu’il a changé de cap. Aux proches, il a dans la bouche, la même antienne : « je suis un loyal serviteur du président de la République ». La correspondance de ferdinand ngoh ngoh, à lui adressée le 2 décembre 2020, prescrivant l’arrêt des poursuites engagées contre Basile Atangana Kouna, est à cet effet éclairante pour illustrer cette propension devenue légendaire au fil des années, à obéir promptement aux « hautes directives » du chef de l’Etat. Mais que se passe-t-il dans l’affaire Bolloré-Pad ? Laurent Esso, discret dès qu’il est question de la succession du président Paul Biya est toutefois soupçonnée de miser sur Bolloré pour en espérer, selon nos sources, un providentiel retour d’ascenseur au cas où, le moment venu, il aurait ses pieds sur les starting-blocks…Ceux qui lui prêtent ainsi ces ambitions politiques en sont tellement convaincus, qu’ils en expliquent son soutien discret, mais résolu à Bolloré. Vrai ou faux ? Il faut dire simplement que Laurent Esso n’a jamais aussi bien porté son petit nom « le chat ». Depuis le début de cette affaire, le ministre d’Etat, ministre de la Justice, marche à pas feutrés comme un vrai chat dans ce qui apparait déjà dans l’opinion comme un maelstrom d’intérêts divers et occultes…

BABA HAMADOU DANPULLO

Le roi du thé » est surtout connu au Cameroun grâce à ses immenses plantations de thé de ndawara au nord-ouest du Cameroun. Il est aussi actionnaire de nextell, le 3ème opérateur de téléphonie mobile du Cameroun. Rien ne le prédestinait donc à entrer dans le capital de Til. Que savait-il des hommes d’affaires suisses ? Pas grandchose. Seulement, c’est son fils Housseni, consul honoraire du Vietnam à Douala et chargé du suivi des relations de nextell, qui va lui mettre le pied à l’étrier, avant de solliciter l’accord préalable du président de la République pour se jeter à l’eau. Ce qui bat en brèche cette salace histoire de retro-commissions évaluées en milliards, versés à Ferdinand Ngoh Ngoh et à Ayem Mauger pour obtenir l’exclusion de Bolloré et de Maerks de la gestion du terminal à conteneurs du port de Douala. Baba Hamadou Danpullo apparait donc comme un homme du sérail qui a ses entrées à Etoudi comme il les a chez le ministre d’Etat Laurent Esso à Mvan depuis de nombreuses années. selon certaines indiscrétions, ce dernier lui aurait même confié l’éducation de l’un de ses fils. Pour l’homme d’affaires camerounais, il sait mieux que quiconque qu’on n’abîme pas une relation de confiance de plus de 30 ans pour endosser un costume d’affairiste véreux. Voilà pourquoi il se confie, selon nos sources, au ministre d’Etat pour lui présenter les tenants et les aboutissants de son entrée dans le capital de Til. En le faisant, il attend le soutien de son fidèle ami, ministre d’Etat en charge de la Justice. Il le confie même à la présidente du Tribunal administratif du Littoral à Douala. Malheureusement, le 31 décembre 2019, Mme Dorcass Moukouade, rend, à la surprise générale, l’ordonnance n°144/ose/Ptal/Dla/20 19 au profit de Bolloré.

En prenant langue avec elle pour s’étonner de ce verdict venant d’une présidente du tribunal aux ordres de son ami, celle-ci n’hésite pas à lui dire enfin la vérité : par crainte de représailles de sa hiérarchie, elle ne pouvait pas faire autrement, car elle reçoit directement les ordres du ministre d’Etat. Confirmant ainsi ce que de nombreux observateurs dans l’entourage du fortuné homme d’affaires subodoraient déjà. A savoir, le double jeu du ministre d’Etat Laurent Esso. C’est la première escarmouche de ce qui est aujourd’hui en train de devenir une véritable bataille de pouvoir au sein du régime. Donnant lieu sur la place publique à ce qui a commencé à ressembler à un imbroglio judiciaire sans fin. Et depuis lors, Baba Hamadou Danpullo s’est brouillé avec son ami de longue date, en chassant même le fils de Laurent Esso de chez lui.

DORCASS MOUKOUADE

Depuis des années à la tête du Tribunal administratif du Littoral à Douala, elle affiche une grande fermeté pour appliquer les instructions de sa hiérarchie. Démontrant aux yeux de son mentor et parrain auquel elle demeure constamment fidèle avec une dévotion filiale, la force de son caractère et son sens de la répartie meurtrière. Elle n’en a que faire des prétendues « hautes directives » de la présidence de la République. Qu’elles proviennent du ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République, ferdinand ngoh ngoh. ou qu’elles soient directement passées par Remy nama, le conseiller chargé des affaires juridiques à la présidence de la République. Pour de nombreux observateurs, elle est devenue, dans l’affaire Bolloré-Pad, la femme à toutes mains. En somme, « la main baladeuse » de la chancellerie à Douala.

D’ailleurs, elle le répète à l’envi : elle ne respecte que les instructions de sa hiérarchie. selon nos sources, sous son égide, la justice camerounaise aura déjà recensé ces derniers temps, la stupéfiante succession de manquements ayant inéluctablement conduit au désastre et au déshonneur. A savoir, une souveraineté dévoyée dans laquelle se drapent les petits calculs et positionnements politiciens des réseaux pouvoiristes. En ligne de mire, déjà, la succession du président de la République en 2025.

ESTHER MOUTNGUI IKOUE

Elle est juge à la Cour commune de Justice et d’Arbitrage (Ccja). C’est elle, selon les témoignages du greffier en chef de la Ccja, Me Assiehue A. Edmond, qui est la seule personne à avoir pris connaissance du projet de l’arrêt non encore signé par le greffier et le président de la 3ème chambre de cette instance. Il s’agit du jugement rendu le 28 janvier 2021 relatif à l’affaire Port Autonome de Douala contre Apmt Terminal et Bolloré. Après avoir pris connaissance de ce document avant la signature, elle va en profiter pour le filmer et l’envoyer à son collègue au Cameroun, Eyike Vieux. selon nos sources, c’est ce dernier qui le publie aussitôt dans le forum whatsapp « Conjaland » qu’anime le Dr sadjio ousmanou.

C’est un forum qui regroupe les juristes africains. s’il faut s’en tenir aux généralités, il ressort qu’Esther Moutngui Ikoue doit sa promotion à ce poste à Abidjan au soutien du ministre d’Etat Laurent Esso. De plus en plus, des soupçons pèsent sérieusement sur les réelles motivations qui l’ont poussée à forcer la main au greffier pour avoir une copie non signée du jugement. Mais la suite des évènements tend davantage à crédibiliser la thèse d’une collusion bien huilée à partir du Cameroun, mise à contribution pour desservir la cause du Pad au profit de Bolloré. Ce qui explique mieux les contradictions et le déni de justice contenus dans l’arrêt du 28 janvier 2021 de la Ccja. Les soupçons de cette collusion avaient déjà été émis, il y a quelques mois lors des différents procès entre le Pad et Bolloré dans l’affaire de la désignation d’un nouveau concessionnaire au port de Douala, et subséquemment dans l’affaire de la Régie du Terminal à Conteneurs dudit port. Confirmant au passage la duplicité de la chancellerie dans tous ces différents procès.

Ce sont autant de choses qui, après tout, ont réussi à dessiller de nombreux yeux à Abidjan, la semaine dernière (dont ceux du 1er vice-président Abdoulaye Issoufi Touré), pour éclairer bien des aspects de l’affaire Pad-Bolloré sous un nouveau jour. Et surtout comprendre enfin pourquoi Esther Moutngui Ikoue s’est longuement employée avec une fièvre artisanale, dans le sillage de cette affaire.

Source : LA NOUVELLE N° 577 du lundi 8 février 2021, Par Jacques Blaise Mvié