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Cameroun : « Dieudonné Essomba a menti sur les universitaires de son époque », Dr Kakdeu Louis-Marie, PhD

Le Dr Louis-Marie Kakdeu, remonte les bretelles de Dieudonné Essomba, suite à une sortie dans laquelle l’économiste et ingénieur statisticien, a critiqué avec véhémence les universitaires camerounais qui, de son point de vue, n’ont pas fait assez pour l’éveil des consciences.

Pour faire simple, l’on appelle universitaire dans notre contexte celles et ceux qui enseignent à l’université. Le diplôme requis pour enseigner à l’université est le doctorat. Il s’agit donc des titulaires de doctorat. Dieudonné Essomba (qui lui-même rêve du doctorat et se fait appeler abusivement « docteur » sur son compte officiel) pense que si notre société va mal, c’est parce que les docteurs sont incompétents et qu’ils étaient même des « rébus [déchets] » de l’université en son temps.

J’avais décidé de ne plus répondre aux individus pour contribuer à dépersonnaliser le débat politique dans notre pays. Je le fais ce jour parce que cela me permet de provoquer le débat sur le bon diagnostic que nous devons poser pour mieux comprendre ce qui nous arrive et éventuellement proposer des solutions adéquates.

D’abord, les faits !

Au temps de Dieudonné Essomba (disons dans les années 60, 70 et même 80), les meilleurs étudiants n’allaient pas dans les écoles de formation. C’est faux de le dire ainsi. Les meilleurs avaient la bourse pour aller poursuivre leurs études à l’étranger. Ce sont donc des « rebus » qui restaient au pays pour faire éventuellement des concours administratifs. Comme beaucoup d’autres, Paul Biya a eu la bourse dès le lycée. Il n’a même pas fait l’université au Cameroun. Tous ceux qui étaient brillants avaient la bourse et ce sont eux qui sont revenus avec des doctorats et qui sont aujourd’hui nos dirigeants. Ils n’ont jamais eu le temps de présenter un seul concours au Cameroun. Ils étaient partis. Il n’existe pas un seul professeur de cette génération qui n’avait pas été boursier. Ils ont été formés dans les meilleures écoles du monde. Je rétablis les faits pour dire que le problème du Cameroun ne se trouve pas au niveau de la formation universitaire. Elle était très bonne. Le pays dispose de très bons scientifiques.

A quel niveau se trouve donc le problème

Pour soigner notre société, il faut comme chez les médecins éviter de rater le diagnostic. Les « docteurs » qui sont rentrés au pays après leurs formations à l’étranger ont même fait preuve de courage et de patriotisme. Il faut accepter d’abandonner le confort que certains vont chercher en Occident en traversant le désert et la méditerranée pour rentrer s’installer dans l’inconfort au pays. Le premier problème que rencontrent les « docteurs » au Cameroun est celui de la modicité des moyens mis à leur disposition pour travailler. La première université camerounaise créée depuis 1962 n’avait en 2020 selon l’annuaire statistique du MINESUP que 31% d’infrastructures requises. D’autres comme celles de Bamenda ou de Maroua n’ont qu’environ 5% d’infrastructures requises. Vous vous attendez à quel résultat ? Je voudrais que l’on ait beaucoup de respect pour le patriotisme des anciens boursiers qui acceptent de rentrer travailler dans ces conditions. Nous savons tous comment chercher les papiers en Occident et nous avons même des atouts que les autres immigrés n’ont pas. Donc, un peu de respect !

Le deuxième problème est celui de la frustration légitime. Ceux qui cherchent le confort ne comprennent pas les « docteurs » cherchent aussi le confort alors que par ordre de mérite, le confort matériel dont il est question devrait d’abord revenir aux « docteurs ». Le problème profond de notre société est que celles et ceux qui ont réussi à l’école sont les moins nantis dans la société. C’est injuste compte tenu de la charge de travail et de discipline que l’on mettait dans la réussite à l’école. Dans la société camerounaise/africaine en 2021, il y a inversion des valeurs à tous les niveaux de la vie courante. Même l’Etat du Cameroun s’acharne sur ceux qui font l’effort d’être en règle et encourage ceux qui violent les règles. C’est d’ailleurs pour cela que l’informel prospère au Cameroun entre 90 et 95% selon les sources. Nous sommes dans l’un des pays où l’on est obligé de partir du formel vers l’informel, de l’excellence à la médiocrité, pour la simple raison que c’est la voie du confort matériel.

Le problème qu’il faut adresser est que « l’école camerounaise ne sert à rien » c’est-à-dire qu’elle ne permet pas d’avoir le pouvoir d'achat. Si nous ne travaillons pas à ce que le confort intellectuel rime avec un minimum de confort matériel, alors nous n’aurons pas d’équilibre dans notre société. Ceux qui avaient le pouvoir économique et qui dictaient leur loi par la force de l’argent se recrutaient pour la plupart parmi ceux qui avaient échoué à l’école. Il s’agit des techniciens, des commerçants et des immigrés clandestins. N’allaient en enseignement technique que les élèves qui avaient longuement échoué à l’école primaire. Nous-autres, nous n’avions pas le droit de faire la technique pourtant, c’est la technique qui paie de nos jours. Jusqu’en 2021, l’enseignement secondaire technique n’a pas de débouché (en libre accès comme l’enseignement général) dans le supérieur. Par conséquent, sur les 295 000 étudiants en 2018 (selon les derniers chiffres combinés du MINESUP), seuls 5000 places étaient offerts pour les ingénieurs. On forme dans des facultés classiques depuis le colon qui ne préparent pas l’étudiant à avoir les compétences nécessaires à la transformation de son environnement en vue de créer la richesse. Voilà le mal du pays mes amis et c’est ce qu’il faut corriger dans les politiques publiques au lieu de s’attaquer aux individus qui subissent le système.

Le commerce étaient réservé à celle et ceux qui n’avaient pas du tout réussi à l’école. Ce sont eux qui sont devenus nos entrepreneurs. On n’enseignait pas l’entrepreneuriat à l’école or, c’est ce qui paie de nos jours. Nos premiers milliardaires ne savaient ni lire ni écrire. La richesse des Kadji, Fotso, etc., ne pouvait pas laisser indifférents les inspecteurs des impôts formés dans la « prestigieuse » école d’administration (ENAM). L’ENAM était supposée être l’école de l’élite or, avec les maigres salaires d’A1 (pour les cadres titulaires de licences), ils étaient parmi les moins nantis de la société. Je crois que vous comprendrez un peu les raisons de la corruption des fonctionnaires.

Les immigrés clandestins en Occident sont des personnes qui ont échoué à s’intégrer au pays. Ils profitent à l’étranger de la discrimination sociale qui consacre un statut supérieur aux Occidentaux. Par conséquent, dès qu’ils réussissent à obtenir des « papiers », ils deviennent directement des élites « donneurs de leçon » en Afrique comme des colons ! Même en faisant le ménage en Occident, ils gagnent mieux qu’une personne qui a passé sa vie à étudier pour s’intégrer au pays. L’immigré clandestin construit des immeubles et autres résidences luxueuses au pays, ce qui ne peut que frustrer les intellos.

Les universitaires camerounais ont trouvé la parade pour avoir une vie décente à travers ce que leur ministre a appelé « Créatures de Paul Biya ». En effet, lorsque vous acceptez la « Création de Paul Biya », l’on vous met à un poste de responsabilité qui vous permet de vous enrichir. A l’université de nos jours, c’est la course aux postes politico-administratifs, ce qui n’était pas le cas il y a une trentaine d’années. Il s’agit de ce que l’on appelle clientélisme politique ; Paul Biya vous crée à condition que vous utilisiez votre intelligente pour justifier son bilan économique catastrophique. Dieudonné Essomba lui-même, ancien fonctionnaire, reconnaît que lorsque le Président a décidé de signer les accords APE qui sont désastreux pour la production nationale, la Créature n’avait pas d’autres choix que de se battre pour justifier cette politique mitigée. Monsieur Essomba lui-même l’a fait en son temps. Et c’est ainsi qu’un professeur de mathématiques peut être appelé pour justifier que 32 est égal à 500. Il défendait en fait son poste administratif.

Ce qu’il faut corriger mes amis, c’est de désintéresser les universitaires de la course aux postes administratifs. Nous avons des universitaires partisans ; le militantisme n’a rien à voir avec leur doctorat. On ne demande pas le doctorat pour être chef de service. Au Cameroun, on demande ton griotisme. Vous n’allez pas en réunion pour « raisonner » le politique ; vous allez en réunion pour suivre les « hautes instructions du Président de la République ». C’est l’église du Créateur. Il faut sortir les universitaires de là et cela passe par l’amélioration de leurs conditions de vie et de travail.

Le problème de Paul Biya et de ses universitaires ne se pose pas en termes de « compétence ». Le problème du pays est celui de la priorité des gens du moment qui est « la conservation du pouvoir » et non le développement. Ceux qui nous dirigent travaillent pour rester au pouvoir et ceux qui s’opposent travaillent « pour la conquête du pouvoir ». Tout le monde est focaliser sur le pouvoir qui offre le « mangement et le boivement ». Je ne connais pas à l’université un seul « docteur » satisfait de l’état du pays. Je connais des gens frustrés qui acceptent le clientélisme politique pour vivre un peu décemment. La situation s'est généralisée.

Que faire ?

Même le peuple qui prétend être déçu est doublement coupable en ceci que c’est bien lui qui vote l’élite dirigeante en échange d’une simple « sardine ». Dans une situation comme celle-ci, le nouveau leadership ne doit pas être stigmatisant. Il faut résoudre le problème de fond qui est celui de la « création de richesse » afin que cela libère tout le monde. C’est pour cela que je défends qu’il faut réfléchir à la politique de la production massive pour combler les déficits. Les guerres que nous vivons et que nous allons vivre se font et se feront autour du peu de ressources disponibles. Il faut multiplier à l’infini les ressources et c’est le travail de l’économie ou du débat économique qui manque au Cameroun.

Bon début de semaine