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Cameroun : Propension au communautarisme dans le contexte camerounais: réalité ou utopie?

Une rencontre dite fraternelle organisée dans la région du Sud et bien d’autres velléités similaires de regroupements ou de revendications ont été observées récemment au Cameroun. La parution annoncée d'un ouvrage d'un acteur important de la scène sur le federalisme communautaire suscite déjà d'énormes critiques sur la toile. Ces faits ont favorisé la rédaction de cet article d'opinions avec pour titre: « Propension au communautarisme dans le contexte camerounais : réalité ou utopie? ». Il s’agit d’un répertoire d’indicateurs dénotant une propension au communautarisme dans notre pays. Le Dr Sandjong Sani poursuit par un avis personnel sur la question et la formulation des pistes de solutions.

Lecture

Le communautarisme est une structuration de la gouvernance et de la vie sociale, mettant en exergue dans les comportements individuels et collectifs, des discriminations en relation avec les appartenances communautaires (linguistiques, culturelles, raciales, ethniques, religieuses, sectaires, …). Le contexte sociopolitique du Cameroun laisse entrevoir des tendances émergentes dans ses manifestations, notamment le tribalisme, et d’autres agissements discriminants motivés par les différences culturelles et linguistiques issues de l’héritage colonial ou par le clivage religieux entre musulmans et chrétiens, surtout dans la partie septentrionale du pays. Une dizaine d’indicateurs ont été répertoriés, en se fondant sur de multiples témoignages d’acteurs divers, des lectures et des observations propres, dans le but de susciter un peu plus l’intérêt des concitoyens autour de cette question pour des prises de plus éclairées.

1- Dans certains textes officiels, figurent des dispositions qui mettent en avant l’origine communautaire. Ces cadres juridiques, tout en favorisant des traitements discriminatoires et inégalitaires au sein de la population, s’appliquent dans certaines circonstances avec mépris flagrant de la méritocratie ou des conséquences regrettables de l’incompétence. C’est par exemple le cas pour la politique dite de «l’équilibre régionale», réalisée sur une base tribale, qui entraîne en plus une émulation malsaine des différentes tribus avec pour corollaire, le dénigrement ou la stigmatisation de certaines d’entre elles.

2- La manipulation des groupes communautaires, les uns contre les autres, est insidieusement entretenue. Dans la vie publique comme privée, dans les médias classiques et les réseaux sociaux, il est loisible de constater des incitations ou des manifestations négatives d’actes de communautarisme, le plus souvent à travers des discours haineux, des invectives, des propos mensongers, des déclarations ou des insinuations malencontreuses, des décisions orientées, sans que cela ne puisse être l’objet de sanctions ou de condamnations officielles.

3- Les nominations aux postes de responsabilité tiennent compte de l’appartenance communautaire, certains groupes étant parfois plus privilégiés que d’autres. Concernant certains postes de nomination et quelques fonctions électives, on peut faire le constat d’une impossibilité légale ou implicite de pouvoir les occuper du fait de l’origine communautaire.

4- Relativement toujours avec la promotion aux postes de responsabilité, il est coutume d’observer des célébrations fondées sur des affinités communautaires. Il y a dans ce comportement une volonté de valorisation du groupe communautaire dans un contexte concurrentiel, alors que les élites dirigeantes sont normalement au service de tous les citoyens, sans exclusive, ni discrimination. La controverse autour de ces manifestations de joie, se justifie par le fait qu’elles ne concernent généralement pas des proches venant de tous les horizons, et se déroulent souvent dans des lieux collant au rattachement identitaire des promus.

5- Le système éducatif, à travers plusieurs manuels scolaires inscrits dans les programmes officiels, contribue à la stigmatisation et à un ancrage psychologique discriminatif des groupes communautaires.

6- Le chef de l’exécutif bénéficie d’un culte de la personnalité se manifestant par des motions, des marches, des meetings de soutien et des appels divers pour le glorifier. Ces initiatives réunissent des forces vives, des élites, des acteurs politiques et des populations, généralement en fonction de leur appartenance communautaire. Au sein des différentes communautés, il y a comme une obligation d’adhérer à de telles pratiques, sous peine de se voir distinguer négativement par un tel contexte de soumission.

7- Des initiatives de rassemblements d’une ou de plusieurs communautés visant des récriminations à caractère politique sont illégalement entreprises, l’un des objectifs cachés étant de favoriser le vote communautaire. Par ailleurs, la loi autorisant et facilitant la création de nombreux partis, des manœuvres sont opérées pour les cantonner surtout dans des fiefs correspondant à la zone d’origine des leaders, et ainsi donner l’impression qu’aucun d’entre eux ne peut avoir une réelle emprise nationale, comparativement au parti au pouvoir.

8- Des contrôles, des arrestations, des maintiens en détention, et même des manipulations de verdicts, sont orchestrés sur la base de l’étiquetage identitaire, par les appareils sécuritaire et judiciaire.

9-Certains investissements de l’État ne se sont pas réalisés de façon équitable sur toute l’étendue du territoire. Des parties du pays s’estiment également lésées, du fait de la prise en compte insuffisante de leurs spécificités. Ces griefs sont évoqués pour justifier des manifestations de revendications ayant un soubassement communautaire, mais s’opérant parfois hors des cadres réglementaires et avec des actes de violence.

10- La référence explicite à l’origine identitaire dans de nombreuses procédures administratives occasionne des prises de décisions discriminatoires sur cette base. Dans le vécu quotidien, la population n’en est pas épargnée, avec une forte influence des stéréotypes dans les mentalités. En effet, lorsque l’identité communautaire ne s’extériorise pas, il est généralement observé dans les comportements, une tendance similaire à vouloir l’identifier, inopportunément pas toujours pour la bonne cause.

À chacun d’analyser ces indicateurs, et d’en juger de la réalité ou de l’illusion d’une propension au communautarisme dans le contexte sociopolitique camerounais. Les défenseurs du système de gouvernance à l’origine de ces comportements, soutiennent son impact positif dans la société, en évoquant notamment la réduction des inégalités sociales par la prise en compte de la représentativité des groupes communautaires dans les structures étatiques. Dommage qu’ils ignorent qu’avec l’incompétence que cela peut engendrer, ils sont d'ores et déjà victimes des conséquences négatives qui en découlent, avec particulièrement le risque pour l’État de ne pas pouvoir garantir durablement cette répartition dite «équilibrée» des richesses. Ils délaissent aussi dans leur appréciation, l’objectif inavoué de cette politique, à savoir: «diviser pour pouvoir mieux régner», au profit surtout des dirigeants. Cette stratégie pernicieuse de domination ou de conservation du pouvoir datant de l’époque coloniale, peut malheureusement entraîner des conflits ouverts entre les communautés. De nombreux compatriotes n’ont malheureusement pas une éducation politique suffisante pour comprendre cette instrumentalisation.

Pour terminer, le vivre ensemble, le développement économique et les caractéristiques d’un véritable État-nation, peuvent concrètement et durablement être mis en place, avec négligence des considérations identitaires. Il serait souhaitable qu’elles soient réduites surtout aux préoccupations éducatives, économiques, linguistiques, religieuses et culturelles, à l’obtention des données statistiques pour une planification appropriée des politiques de développement, ou à la recherche scientifique. Dans le souci d’assurer une équité dans le partage du «gâteau national», une autre solution envisageable à moyen ou à long terme serait de plus considérer la résidence géographique des citoyens, en excluant leur communauté d’origine.

 

Dr Sandjong Sani