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Cameroun : Un « kongossa » du Commissaire Essogo au cœur d’un procès

Commissaire aux renseignements, Boyogueno Bende réclame du Tribunal administratif à Douala qu’il annule un blâme du patron de la police prononcé en 2018. Il accuse incidemment le délégué régional de la Sûreté nationale du Littoral de l’avoir calomnié en provoquant une réprimande que le procureur estime injustifiée. Au fond du différend : des informations sur le traitement salarial réel de dockers en grève.

« Lui-même a écrit : ‘’le gouverneur a gardé sa sérénité habituelle’’. Pourquoi donc, s’il n’y avait pas de problème, le gouverneur a-t-il dû garder son calme et ne pas perturber davantage la réunion ?» Le commissaire de police qui représente la Délégation générale à la Sûreté nationale (DGSN), dans cette réplique, sort cet argument pour coincer son collègue Boyogueno Bende, chef du secteur opérationnel de surveillance du territoire du Littoral au moment où -le 25 juin 2018 -se produit le fait déclencheur de la plainte formulée devant le juge administratif de Douala. Ce lundi-là, le commissaire de police principal Boyogueno Bende aurait perturbé par des commentaires contestataires la réunion de l’état-major régional de sécurité. Jeudi 18 novembre 2021, ce policier était à la barre pour faire annuler et être dédommagé des conséquences d’une décision du Délégué général à la sûreté nationale d’août 2018, lui infligeant un blâme avec inscription au dossier pour ce comportement qu’il ne reconnaît point.

De la joute des parties, l’on apprendra que deux sources ont dû informer le patron de la police nationale Martin Mbarga Nguélé. La plus identifiable serait le délégué régional de la Sûreté nationale, le commissaire de police divisionnaire Raymond Essogo. C’est lui qui a envoyé un fax au délégué général pour mettre en accusation, dénonce l’avocat de M. Boyogueno. Le représentant de la police, lui, parle d’une alerte venue du cabinet du gouverneur pour attirer l’attention du chef de la DGSN sur l’attitude irrévérencieuse et perturbatrice supposée du plaignant. Il ajoute qu’il y a eu un rapport du délégué régional Essogo, une demande d’explication du patron direct du commissaire Boyogueno, qui est le directeur de la Surveillance du territoire. M. Mbarga Nguélé, presqu’aussitôt « alerté », aura lui-même passé un coup de fil au flic mis en cause avant de faire procéder aux explications écrites, etc. En somme, la police estime avoir suffisamment enquêté pour frapper l’homme des renseignements internes.

4000 F de salaire

Quand le ministère public entre en lice cependant, des éclairages nouveaux tombent sur le prétoire et décante l’eau trouble de la discussion. Il interpelle la défense pour savoir quel est le fait générateur de la sanction. C’est d’avoir « discuté à tue-tête » les positions du gouverneur, explique l’émissaire de la police. Dans un autre moment, l’on entend le procureur dire que la direction de la Surveillance du territoire a écrit : « réflexion déplacée envers un supérieur ». « Mais comment savoir que le cabinet du gouverneur a effectivement alerté celui du DGSN ? Comment défendre avec succès que le DGSN s’est basé sur un appel du gouverneur pour déclencher la procédure ?», interroge le parquet sans recevoir des réponses différentes de celles déjà données.

De toute évidence, jubile presque la partie qui « réclame justice », c’est là le nœud du problème. Ce d’autant plus que Boyogueno Bende clame qu’aussitôt que l’affaire a commencé, il est allé voir le gouverneur qui l’a rassuré et confessé n’avoir aucun problème à cet égard. Ce serait en réalité une guerre des polices, suggère l’avocat du plaignant. Ce dernier ne se prive pas de préciser aux juges qu’il a relevé que le gouverneur avait des informations inexactes sur le dossier, engendrant la discussion. À l’époque, une énième grève des dockers du port de Douala perturbait la place portuaire. Les « informations » du gouverneur assuraient que les manutentionnaires étaient payés jusqu’à 300 mille francs et même 400 mille francs et non 15 mille francs à 80 mille francs pour les mieux nantis et dans 80% des cas, comme l’auraient révélé les enquêtes du commissaire Boyogueno Bende. D’où la difficulté de savoir comment traiter avec les grévistes. Dans un débat où la distance entre données est abyssale (le représentant de la police accusant le demandeur d’avoir parlé de dockers payés 4000 francs par mois), le soubassement de l’affaire jaillit.

Cadeau

Dans une ultime salve de questions, le tribunal lance aux protagonistes : « L’insubordination suppose qu’il [le plaignant, ndlr] s’est opposé à une décision du gouverneur… Y avait-il déjà une décision ?» M. Boyogueno argumente en soulignant l’esprit des réunions de cet état-major de sécurité : échanges courtois, croisements des informations et décision. Pour lui, il n’a été question que d’attirer l’attention sur les motivations réelles de l’arrêt de travail et la popularité du mouvement que certains contestaient, parlant de poignées de perturbateurs. « Le gouverneur a dit qu’il a convoqué à plusieurs reprises Ebalè (Voundi Ebalè, leader des grévistes, ndlr) et il n’est pas venu. Le commissaire Boyogueno a contesté cela en déclarant que les informations du gouverneur ne sont pas vraies », réplique la DGSN. Si c’était le cas, l’on aurait pu interroger d’autres participants à la rencontre pour vérifier la véracité de l’accusation, réagit enfin le policier blâmé.

Le procureur ne va pas chercher jusque-là en vue du verdict du 16 décembre prochain. Pour lui, « malheureusement, la décision n’est pas motivée. L’autorité doit dire quelle est la réflexion déplacée pour que le juge de l’excès de pouvoir puisse apprécier maximalement. » Par ailleurs, le recours au tribunal administratif ayant mentionné qu’il réclame aussi une réparation, le parquet a fait le commentaire suivant : « La sanction [le blâme, ndlr] n’est pas un cadeau. Elle entache un dossier, celui du concerné et vous apprécierez donc souverainement le préjudice qu’elle lui aura causée ». Allusion claire aux conséquences financières de l’avancement en grade, à la réputation professionnelle du policier réprimandé que le blâme affecte.

Kalara