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Charles Ndongo : « John Fru Ndi était un patriote »

Charles Ndongo DG de la CRTV, rend un hommage appuyé au chairman Ni John Fru Ndi , l’opposant charismatique mort le 12 juin dernier à Yaoundé, à l'âge de 82 ans,  après un combat politique qui aura duré plus de 3 décennies.

L’intégralité de cet hommage que 237actu.com propose la lecture à ses lecteurs, a été publié premièrement sur Cameroon Tribune, Mutations et sur Crtv web.

Sacré Chairman ! Les jours s’écoulent, le ton et l’ampleur ne varie pas. Tous, nous sommes touchés, attristés. À de divers degrés, naturellement, mais peu osent l’indifférence. Le choc de la mort du leader historique du social démocratique front (SDF) et ne cesse d’étonner par la quasi-unanimité de ses échos. À quoi tient ce concert d’hommages ? Certainement pas seulement au simple classique des louanges commodes post-mortem. Pas davantage à la seule stature incontestable de cet acteur majeur qui a plus de 30 ans durant, roulé sa meule sur la scène politique nationale. Le fait est qu’entre les lignes, se dessinent les traits probablement les plus prononcés, mais les moins connus de Ni John Fru Ndi.

 

Il y en a trois qui, à l’heure de l’oraison funèbre méritent plus d’attention que les autres: le challenger, le patriote et le “client”.

Le challenger transparaît sous le rapport du Chairman au chef de l’État Paul Biya. S’il n’y a pas de démocratie sans démocrates, les confrontations sur le terrain non d’intérêt que si les forces en présence ne sont pas trop disproportionnées. Le jeu politique est alors semblable à la compétition sportive. C’est pour cette raison que la catégorisation s’impose, évitant que les femmes croisent les hommes, les poids mouches, les lourds, ou encore les amateurs, les professionnels. La dernière finale de la Coupe du monde de football a tenu toute la planète en haleine parce qu’elle opposait deux des meilleures sélections nationales du moment : l’Argentine et la France. Transposée au champ politique camerounais, cette configuration a quasiment cristallisé une bipolarisation entre le Président de la République et son principal opposant. L’un a jusqu’ici triomphé de toutes les épreuves électorales, en l’occurrence, l’autre a traversé, le poing levé, les trois dernières décennies sur le marbre historique du seul challenger valable de Paul Biya. À y regarder de près, en effet, ce dernier costume s’est avéré bien trop grand sur les épaules de ceux qui ont, par la suite, essayé de l’enfiler…

C’est un fait d’histoire : en octobre 1992, au détour du face-à-face électorale le plus disputé entre les deux hommes, prend racine leur respect mutuel. Car, il convient de souligner que cette relation de deux fortes personnalités que tout opposait en apparence, aura données lieu à une alliance de fait qui a éloigné de notre pays le spectre d’une inutile confrontation, voire d’une ruineuse guerre civile qui lui prenait qui lui pendait au nez. Comment cela a-t-il été possible ?

La vérité est que chez Ni John Fru Ndi, la deuxième dimension prenait le pas sur la première, le PATRIOTE incorruptible réussissant à percer sur le combattant irréductible. À l’ombre des projecteurs opèrent de grands muets, acteurs de premier plan et témoins privilégiés qui ont vécu ce dédoublement. Eux seuls sauraient raconter ces séquences tumultueuses alimentées par certaines chancelleries et officines qui, en l’espèce, promettaient monts et merveilles à tous ceux qui s’aligneraient derrière le Chairman et le reconnaitraient comme “vainqueur” de cette élection du 11 octobre 1992. Or, le premier à se détourner de ce pain faussement béni n’est autre que ni John Fru Ndi lui-même : “je ne peux pas accepter d’accéder au pouvoir en traversant le sang de mes compatriotes et en exposant mon pays au chaos”, tranche-t-il alors.

Le patriotisme du chairman aura été mis à rude épreuve, une nouvelle fois après le déclenchement de l’insurrection séparatiste en octobre 2016. Dans cette aventure patiemment mûrie avec des relais étrangers, les sécessionnistes demandent instamment au SDF de retirer ses élus du Parlement et de se poser en branche politique de leur mouvement séparatiste.

La réponse de Ni John Fru Ndi, fédéraliste assumé certes, n’en est pas moins sèche et sans équivoque : ”Tout sauf la sécession. Ce serait comme si les Noirs américains demandaient à rentrer dans leur Afrique ancestrale”. De même qu’il a toujours recusé la conquête du pouvoir par les armes, il rejette ainsi fermement la division du Cameroun. Cette opposition frontale aux croisés de la sécession lui vaudra d’être enlevé à deux reprises par les bandes armées qui écument la région du Nord-ouest.

 

”Patriote intrépide”, le Chairman Fru Ndi laisse-là son réel et seul point de convergence avec le président Paul Biya. Une convergence salutaire pour le Cameroun, figée et scellée par la rencontre historique du 10 décembre 2010 à Bamenda, hommage du cinquantenaire de l’armée camerounaise. La même convergence est telle que le chef de l’État Paul Biya, avait selon une confidence d’une source de première importance, fermement instruit les forces de sécurité, que jamais il ne doit rien de fâcheux arrivé au Chairman Ni John Fru Ndi.

Dans cette alliance objective, j’ai depuis toujours trouvé, à titre personnel, une motivation supplémentaire de m’intéresser et, à l’occasion, d’échanger avec lui. Il était à mes yeux le témoin de l’histoire avide des confidences, et par la force des choses, un “BON CLIENT”. On aurait pu croire, à priori, que le mur était infranchissable et j’ai dû quelquefois braver les objections objurgations de mon entourage pour aller voir le fils le plus célèbre de Baba 2, son village érigé en mythe par ses fervents  partisans.

Un an seulement après la douloureuse parturition du SDF, et alors que je couvre le deuxième tour complet des régions qu’effectue le Président de la République en septembre 1991, Ni John Fru Ndi accepte de me recevoir dans sa résidence à Ntarikon à Bamenda. Feu Luke ANANGA, alors Directeur de l’information, lui-même digne fils du Nord-Ouest me sert de guide et de caution, même si lui aussi découvre le personnage autour duquel commence à s’écrire la légende Fru Ndi. Pour cette première rencontre, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent, en dehors d’un petit déjeuner servi, partagé et entouré de maintes amabilités, loin de notre hôte qu’on nous dépeignait comme ombrageux, colérique vindicatif et surtout allergique à tout ce qui se rapportait au “pouvoir de Yaoundé”. J’aurais  beaucoup d’autres occasions de rire du bel esprit, un rien espiègle, de ce Chairman atypique, tout en simplicité et affabilité, doté d’une réelle capacité d’entraînement.
L’une de nos entrevues les plus marquantes se déroule aux lendemains encore pesants des tristement mémorables “années de braise” (1991-93), en plein aérogare à Douala. Lui  de m’apostropher, mi badin mi sentencieux: ”Écoute, Charles Ndongo, dès que je deviens président de la République, je vais vous affecter loin, très loin de Yaoundé”. Et moi de lui répondre sur le même ton de circonstances: ” Ah non Chairman, je sais que jamais vous ne ferez une chose pareille. Je crois au contraire que dans l’hypothèse que vous évoquez, vous allez me proposer de devenir votre premier ministre”. Et  lui de repartir dans un grand éclat de rires, en s’adressant à son entourage passablement intrigué par cet échange surréaliste: “Je vous ai toujours dit que ce garçons est so smart. Vous  entendez sa réplique? Amazing… “

Tel m’est apparu le célèbre Chairman au poing levé. Il vient de baisser les bras à tout jamais, vaincu sur ce front d’où l’on revient toujours les pieds en avant. Nous étions étonnés de ne pas le voir à la tribune le 20 mai 2023, encore moins à la somptueuse réception de cette fin de Fête  nationale comme il nous en avait donné l’habitude ces dernières années. Puis le lendemain, une poignée de témoins a vu un avion médicalisé l’embarquer.

Son pronostic vital s’étant dégradé.
Sans appel, il a demandé lui-même, affirment ses proches, à venir s’en aller définitivement au milieu des siens, en authentique patriarche africain. Sous le prisme républicain, nul parmi ses compatriotes et contemporains, ne peut se dire indifférent à son rapport aux valeurs fondatrices de ce cher et beau pays que nous avons en partage : paix, unité, indivisibilité. Son héritage ? N’est-ce pas là sa substance ?”

Charles NDONGO, Directeur général de la CRTV.