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Crise du NOSO : comment Ferdinand Ngoh Ngoh a torpillé les initiatives de Joseph Dion Ngute [Jeune Afrique]

Les pourparlers de paix entre le gouvernement et les séparatistes anglophones sont à l’arrêt en raison de la lutte d’influence que se livrent le Premier ministre, Joseph Dion Ngute, et le secrétaire général de la présidence, Ferdinand Ngoh Ngoh.  

Le 2 juillet, le leader sécessionniste emprisonné Sisiku Ayuk Tabe annonçait sur les réseaux sociaux avoir discuté avec le gouvernement camerounais d’un cessez-le-feu sous l’égide des Nations unies. Par la suite, sur instruction de Ferdinand Ngoh Ngoh, le secrétaire général de la présidence (SGPR), le ministre de la Communication René Emmanuel Sadi a estimé via un communiqué que cette information n’était pas « conforme à la réalité ». Depuis lors, les deux parties n’ont plus été en contact.
Réseaux issus des royautés locales
Or, selon nos informations, une délégation composée d’une dizaine de sécessionnistes conduits par Ayuk Tabe a bel et bien rencontré le 2 juillet Maxime Eko Eko, le patron de la Direction générale de la Recherche extérieure (DGRE), le service camerounais de contre-espionnage. Les « Ambazoniens » ayant exigé que cette rencontre se tienne en terrain « neutre », l’Église catholique a été sollicitée pour prêter le Centre épiscopal de Mvolyé. Situé dans la capitale camerounaise, il a été choisi pour abriter les discussions auxquelles assistaient six autres représentants de l’Etat.
Cette rencontre était la troisième organisée côté pouvoir avec, à la manœuvre, le binôme formé par Joseph Dion Ngute et Maxime Eko Eko. Dignitaire traditionnel au Sud-Ouest, le Premier ministre peut compter sur ses réseaux issus des royautés locales pour nouer des contacts avec les insurgés.
Quant à Eko Eko, commissaire de police bilingue français-anglais, il est le négociateur qui parvint à obtenir en 2008 la libération des marins du Bourbon Sagitta, un navire français pris en otage par les « Bakassi Freedom Fighters », un groupe rebelle issu d’une péninsule alors disputée au Cameroun par le Nigeria.
Négociations secrètes
Avant cela, le premier rendez-vous avec les leaders anglophones a eu lieu au Ghana, où Eko Eko a rencontré les figures sécessionnistes de la diaspora à l’instar d’Ebenezer Akwanga ou d’Herbert Boh. Et la deuxième a eu lieu le 13 avril à Mvolyé (Yaoundé), réunissant Ayuk Tabe et ses compagnons.
Les séparatistes se sont notamment dits prêts à renoncer à leur exigence la plus radicale
À l’issue de ces négociations, plusieurs progrès ont été enregistrés. Les séparatistes se sont notamment dits prêts à renoncer à leur exigence la plus radicale, à savoir le départ de l’armée camerounaise des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Ils ont également concédé le maintien des troupes, toutefois cantonnées dans leurs casernes, alors que seules les forces de police et de gendarmerie seraient à leurs yeux susceptibles d’être déployées sur le terrain.
Négociant en secret avec, néanmoins, l’autorisation du président Paul Biya, Joseph Dion Nguté et Maxime Eko Eko ont tenu le reste du gouvernement à l’écart. Même Ferdinand Ngoh Ngoh n’a pas été associé à ces discussions, alors que ce dernier fut à partir de juin 2019, le point focal du gouvernement helvétique.
Ce dernier avait été officiellement mandaté par Yaoundé pour faciliter les pourparlers entre les belligérants. En collaboration avec le Centre pour le dialogue humanitaire (HD), une organisation basée à Genève, les Suisses avaient notamment invité plusieurs leaders sécessionnistes à participer à une discrète réunion préparatoire, du 25 au 27 juin, à Saint-Luc, un petit village du canton du Valais. Seulement, fin 2019, HD a fait le constat de son échec après s’être heurté à la méfiance d’une partie de la nébuleuse sécessionniste.
Nouvelle médiation suisse
Après le communiqué en forme de désaveu inspiré à Sadi par Ngoh Ngoh, les Suisses ont ont initié une nouvelle médiation. Le 2 août, une délégation conduite par Gunter Bächler a débarqué à Yaoundé. Ce diplomate de 67 ans, ex-ambassadeur helvétique en Géorgie, est un négociateur impliqué dans les conflits du Darfour, du Népal et dans le Caucase pour le compte du Département suisse des affaires étrangères.
Sitôt arrivé au Cameroun, Bächler a entamé une série de contacts, non pas seulement avec les séparatistes mais aussi avec les partisans du fédéralisme et ceux de la décentralisation. Le 4 août, il a rencontré le cardinal Christian Tumi. Présente à Buea (Sud-Ouest) ce 6 août, la délégation comptait s’entretenir avec l’avocat Félix Agbor Balla et d’autres figures anglophones locales.

 

Note: Cet article a été publié par Jeune Afrique, Août 2020