×

Veuillez désactiver le bloqueur de publicité SVP!

Vous n'aimez pas la publicité dans les pages, nous le comprenons bien! Par contre, un site d'information sans pubicité ne pourra pas survivre sans revenu publicitaire.

Dérives comportementales dans la sphère politique au Cameroun: dénonciations et éléments de solution

Dr Sandjong Sani

Des comportements malsains, méprisants à l’égard des règles morales et démocratiques, sont observés dans la scène politique camerounaise avec comme conséquence, la manipulation des personnes peu avisées. Ils sont également susceptibles d’amplifier les divisions au sein notre société, et même de menacer gravement la paix.

De tels agissements sont à mettre en relation avec l’incivisme, mais aussi avec l’inculture politique et démocratique. Dans une posture de responsabilité citoyenne, c’est incontestablement une situation préoccupante, méritant une recherche de solutions appropriées. La présente réflexion est une contribution au développement des vertus démocratiques et politiques, ainsi qu’un guide pouvant permettre de faire face aux différentes manœuvres d’instrumentalisation. Plus précisément, elle débute par des dénonciations de plusieurs attitudes et pratiques condamnables dans la sphère politique, avant de s’appesantir sur l’évocation de plusieurs éléments d’orientation politique, comme piste d’issue à cette problématique.

 Dans l’engagement politique, les dérives comportementales semblent être légion. Les réseaux sociaux, certains médias traditionnels et bien d’autres cadres d’expression d’opinions, représentent aujourd’hui, les voies par lesquelles sont véhiculés des analyses erronées, des glorifications infondées, des calomnies, des diatribes haineuses, des invectives, des discours de division et d’intolérance, ayant régulièrement des liens avec les personnalités politiques ou des relents de tribalisme. Les violences, les atteintes aux droits civils et politiques ciblant surtout les opposants (de nombreux témoignages d’interdictions systématiques de manifestations publiques avec répression des contrevenants, des constats d’arrestations et d’emprisonnements arbitraires), sont d’autres actes condamnables dans la scène politique. Les fraudes de toutes sortes ou le manque de transparence impliquant spécialement les intervenants chargés du bon déroulement des processus électoraux, sont aussi des pratiques répréhensibles parfois prouvées. Il faut également décrier les dérives de nombreux citoyens, qui fondent leur orientation politique ou leur vote sur la corruption ou l’achat de conscience, ou encore sur des affinités diverses avec les leaders (religion, secte, tribu, famille, région, amitié, voisinage,   ). S’agissant particulièrement du vote tribal, les scores élevés obtenus par les politiciens dans leur fief d’origine, sont habituellement liés à cette pratique. De surcroît, les velléités de rassembler idéologiquement des populations originaires d’une ou de plusieurs parties du pays à des fins politiques hors des partis, peuvent être interprétées comme prémices de l’encouragement du vote affinitaire. Certaines démissions des partis politiques ont d’ordinaire des motivations non fondées ou abjectes. Des désaccords avec le leadership ou avec les orientations stratégiques sont parfois évoqués pour justifier ces défections. Il arrive que des factions naissent au sein des formations politiques, sous l’influence des luttes d’intérêts ou des manœuvres de déstabilisation des adversaires, généralement sous fond de corruption. Globalement, tous ces comportements déviants sont expliqués par l’incivisme, la faiblesse des convictions idéologiques, la vacuité des argumentaires défendus, l’appât du gain, l’indigence, l’immoralité, le tribalisme, les mentalités rétrogrades ou antidémocratiques, et l’ignorance. Le rappel de quelques éléments fondamentaux pour effectuer un choix judicieux d’un parti ou d’un leader, s’inscrit dans une démarche visant l’atténuation de leurs effets.

L’idéologie ou les engagements établis dans la sollicitation des suffrages, constituent le principal critère qui devrait guider tout bon citoyen pour une adhésion formelle (en tant que sympathisant), ou militante à un bord politique. Il est aussi important, avant de faire confiance aux nouvelles promesses électorales, de se faire une idée précise du bilan dans l’exercice du pouvoir, relativement à ceux qui ont déjà bénéficié d’un mandat électif. Logiquement, cette analyse peut permettre aussi de se faire une idée sur les tendances démagogiques. En fonction du type d’élection, il faudrait également s’interroger sur les capacités réelles d’implémentation des engagements électoraux. Par exemple, un candidat à la députation ne saurait promettre la construction ou le bitumage des routes, alors que cela ne relève pas de la mission d’un député. De plus, on constate qu’il existe au Cameroun, une multitude de partis politiques, avec parfois de nombreuses similarités dans leur projet de société. C’est une situation qui crée de facto une grande confusion au sein de l’électorat. Il faut être un citoyen assez subtil pour arriver à y dégager des points de différence, et éventuellement penser à concevoir son propre projet de société (création d’un nouveau parti), lorsqu’on n’adhère profondément pas à ceux qui existent. Il est aussi indispensable d’être au courant des coalitions officielles entre ces partis, ou de pouvoir déceler celles qui sont souvent voilées. En effet, la méfiance doit être normalement de mise concernant les partis dits d’opposition, qui nouent des alliances ou se rapprochent idéologiquement avec la majorité au pouvoir. À l’évidence, il est donc incompréhensible d’entrevoir un grand enjeu de changement idéologique à l’issue d’un scrutin, où uniquement des partis alliés sont en compétition. Par ailleurs, la couverture territoriale, la présence médiatique et la permanence des activités sur le terrain, ne doivent pas être négligées avant de prendre position. En raison de toutes ces complications, l’éducation politique devrait un peu plus être une préoccupation du système éducatif, des médias, ainsi que des acteurs et spécialistes de ce domaine. On éviterait ainsi, la persistance d’une focalisation simpliste sur la personnalité des leaders dans le positionnement politique.

En raison de leur temporalité, les qualités individuelles des politiciens doivent être considérées comme facteurs secondaires de motivation dans le choix d’une obédience politique. En effet, les hommes et les femmes qui incarnent les tendances idéologiques ne sont pas éternels. Cependant, parmi les traits de caractère personnels qui pourraient être examinés, on peut citer: la compétence et la moralité. La compétence, qui revêt de multiples facettes, peut être perçue à travers les parcours académiques et professionnelles, les formations diverses, les publications, la connaissance du territoire national, l’envergure internationale, les récompenses nationales et internationales, les aptitudes d’Homme d’État ou l’expérience dans la gouvernance, les actes de bravoure, de courage ou de patriotisme, les prises de paroles publiques, le bilan jugé positif à l’issue d’un mandat électif, etc. La jeunesse est un autre trait de personnalité indiquant surtout l’aptitude physique au travail. Il n’en demeure pas moins qu’un âge avancé confère généralement une grande expérience indispensable à la compétence. Au total, les critères d’appréciation de la compétence doivent permettre d’identifier le bon leader comme un modèle de réussite ou une source d’inspiration.

Les condamnations judiciaires légitimes sont d’habitude examinées comme l’un des critères d’appréciation de la moralité, de l’honnêteté ou de la loyauté. D’ailleurs, lorsqu’elles sont aggravées, elles ne permettent pas de candidater aux postes électifs. La légalité du parcours dans l’ascension sociale, et les actes d’irresponsabilité et de filouterie avérés dans la sphère publique et même privée, devraient aussi être analysés dans le même ordre d’idées.

La richesse, les œuvres sociales ou l’humanisme, l’humilité, la déférence, la bienveillance, le charisme, une vie familiale harmonieuse et l’attractivité physique, peuvent être considérés comme qualités personnelles supplémentaires, mais accessoires. La perception de la richesse doit normalement être subordonnée à une déclaration des biens et des avoirs.

Tout compte fait, l’idéal serait de se fier plus aux leaders qui réunissent le plus grand nombre de ces atouts individuels. La crédibilité des sources d’obtention de toutes les informations doit être garantie. En plus d’internet et des médias, on peut aussi s’en remettre à l’analyse des faits émanant de notre vécu quotidien.

En somme, après avoir relevé dans le but de les dénoncer, les comportements déviants dans la scène politique à l’origine de l’instrumentalisation de nombreux concitoyens, des éléments d’orientation en guise de solution ont été abordés. L’idéologie ou les promesses électorales devraient ainsi se distinguer comme principal critère pour se positionner dans le champ politique. Le bilan, à la fin d’un mandat électif, à quelque niveau que ce soit, n’en est pas moins essentiel. Lorsque le choix du bord politique se base par ailleurs sur les qualités individuelles des leaders, on doit prioritairement considérer leur compétence et leur moralité. Toutefois, les traits de comportement individuels sont à relativiser, car il est connu que l’être humain est divers et ondoyant. Du reste, il faut espérer que l’éducation politique soit davantage une préoccupation des dirigeants et des spécialistes du domaine. Un accent doit être aussi mis sur la fiabilité et l’impartialité des institutions, constituant un préalable incontournable au respect des valeurs démocratiques. Pour terminer, il convient de rappeler que, ne pas s’intéresser à la politique, c’est laisser qu’elle influence nos vies parfois contre notre volonté.

 

Dr Sandjong Sani, correspondance particulière