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Drame de Dschang : qui va payer la note ?

Les familles endeuillées et les blessés devraient en principe s’attendre à des indemnisations et des paiements des dommages. Mais au vu des circonstances qui entourent le drame, tout devient complexe

 

Editorial Roland Tsapi, radio Balafon

La nuit du 26 au 27 janvier 2021 a été fatale pour près de 82 camerounais, dont 53 morts et 29 blessés dans le drame de la falaise de Dschang. Tout comme dans l’accident de Nemalé un mois plus tôt, le Cameroun perd ses fils, mais au niveau plus restreint, des familles ont été affectées, et le resteront toujours. Au-delà des responsabilités que l’on cherche à attribuer à X ou Y, la question essentielle reste à la fin, qui paye la note ?

En matière de transport, tout comme dans d’autres métiers à risque, la souscription d’une assurance est obligatoire. L’article 12 du Code Cima, la Conférence interafricaine des marchés d’assurance, définit le contrat  d’assurance comme une « convention entre un assureur et un assuré qui détermine les droits et obligations de chacun. L’assureur s’engage à fournir une prestation déterminée si le risque couvert se réalisait, moyennant paiement d’une prime par l’assuré. L’assuré est obligé de payer la prime ou cotisation aux époques convenues, de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge, de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquences d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire. » L’article  200 de ce Code parle plus spécifiquement de l’obligation du contrat d’assurance automobile :«Toute personne physique ou toute personne morale autre que l’Etat, au sens interne, dont la responsabilité civile peut être engagée en raison de dommages subis par des tiers résultant d’atteintes aux personnes ou aux biens et causés par un véhicule terrestre à moteur, ainsi que ses remorques ou semi-remorques, doit, pour faire circuler lesdits véhicules, être couverte par une assurance garantissant cette responsabilité, dans les conditions fixées par le présent Code. Les contrats d’assurance couvrant la responsabilité mentionnée au premier alinéa du présent article doivent également couvrir la responsabilité de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, à l’exception des professionnels de la réparation, de la vente et du contrôle de l’automobile, ainsi que la responsabilité civile des passagers du véhicule objet de l’assurance. Les contrats doivent couvrir, en plus de la responsabilité des personnes mentionnées au 1 er alinéa du présent article, celle du souscripteur du contrat et du propriétaire du véhicule. »

Indemnisation

C’est dire que dans le principe, l’assurance, pas l’Etat, devrait prendre en charge, les blessés hospitalisés, leur reverser des indemnités par la suite en cas d’invalidité totale ou partielle. De même, les familles des personnes décédées devraient être dédommagées aux montants calculés en fonction d’un certain nombre de critères que remplissaient les défunts dont l’âge, la profession et autres critères de responsabilité au sein de la famille. Mais avant qu’on y arrive, il faudrait commettre des experts afin de vérifier un certain nombre de choses, dont l’effectivité de l’existence d’un contrat d’assurance et du type de contrat souscrit. Si un contrat d’assurance couvrant le bus de 70 places existait, il faudra encore vérifier que ce bus ne transportait que les 70 passagers ou moins. Le bilan officiel fait état de 82 victimes, et deux engins roulant sont impliqués. Si le camion transportant du liquide inflammable avait le chauffeur et deux passagers à bord, cela fait 3 ajoutés au 70 du bus, soit un total de 73 personnes. Donc si on a 83 victimes cela veut dire qu’il y a 9 personnes en plus, qui étaient probablement en surcharge dans le bus. Et s’il est avéré que le bus était en surcharge, cela annule de fait l’assurance, car comme indiqué précédemment, l’assuré est tenu de déclarer, en cours de contrat, les circonstances nouvelles qui ont pour conséquences d’aggraver les risques, soit d’en créer de nouveaux et rendent de ce fait inexactes ou caduques les réponses faites à l’assureur, notamment dans le formulaire. La nullité de l’assurance est ce qui risque d’arriver dans le cas du drame de la falaise de Dschang.

Identification problématique

En plus de la surcharge qui annule les effets du contrat d’assurance s’il existait, il y a aussi l’identification des victimes, surtout les 53 calcinées. Non indentifiables à vue, l’Etat a vite fait de suggérer la piste d’un enterrement collectif dans une fosse commune, sous-entendu qu’il n’entend pas engager une quelconque démarche en vue de l’identification des corps calcinés. Du coup les familles des victimes n’auront plus d’éléments pour même affirmer avec certitude qu’elles ont un membre parmi les victimes. Parce que le bordereau d’embarquement n’est pas déjà fiable, avec un nom qui revient deux fois. En conséquence, il n’est pas aisé de prouver que les noms inscrits sur le bordereau correspondent aux noms des passagers qui ont effectivement embarqué à Douala. Aucune garantie non plus que ceux qui ont embarqué à Douala sont tous arrivés au lieu de l’accident, du moment où les bus font généralement le taxi brousse, s’arrêtant dans toutes les agglomérations sur le chemin pour prendre où laisser des passagers. Bref, déterminer avec exactitude qui était dans le bus de la mort est une paire de manche, déterminer combien ils étaient au total au moment de la survenance du drame est une autre paire de manche plus difficile encore à enfiler, et savoir qui est qui parmi les calcinés est simplement un labyrinthe dans lequel il faudra s’engouffrer sans espoir de trouver un bout de fil d’Ariane. La complexité de cette affaire est donc plus que réelle.

Les familles des victimes vont-elles ainsi tout perdre, sans indemnisation aucune ni dommage pour les blessés,  en principe pas du tout dans l’absolu. Conscient de la délinquance des uns et des autres en matière d’assurance et de paiement des sinistres, l‘Etat a prévu de parer au plus pressé d’abord, avec la création en 2015  du Fonds de garantie automobile, avec pour but d’assurer l’indemnisation des victimes d’accidents impliquant des véhicules terrestres à moteur ainsi que leurs remorques et semi-remorques, dans des cas où un problème se posait pour l’indemnisation normale. Mais où est ce Fonds et que fait-il depuis sa création, au secours de combien de victimes abandonnées dans la rue est-il déjà venu, peut-on seulement avoir espoir de ce côté?

A suivre