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Patrice Nganang : «Comment je suis allé au Etats Unis et pas au Cameroun »

L’écrivain et enseignant d’université Patrice Nganang décrit sa trajectoire. Comment à l’âge de 28 ans, après avoir défendu sa thèse de doctorat en Allemagne, il a finalement choisi la destination de l’Amérique, plutôt que de retourner mettre son savoir au service de son pays le Cameroun.

Quand on commence a parler de soi, ca ne finit pas. Allons-y donc, puisque un veut savoir comment je suis venu aux USA: j'ai ecrit ma these de doctorat en Allemagne, these ecrite en allemand donc, et l'ai defendue en 1998, a 28 ans - summa cum laude. En meme temps, j'avais deja publie deux livres, et quand je defendais ma these de doctorat, 'Temps de chien' etait deja ecrit. J'avais donc sous la main grossomodo quatre livres. Une thèse de doctorat en allemand, deux romans et un recueil de poèmes. A 28 ans. Mais j'ai toujours voulu retourner au pays, parce que je suis comme ca. N'ai jamais voulu avoir une autre nationalite. Bref, c'est le Cameroun qui m'a retire ma nationalite de force. De 1993 a 1998 je retournais au pays tous les ans, ou presque. En 1999 donc, je suis retourne, avec l'intention specifique de choisir l'universite ou enseigner. Je preferais Buea. Je dis choisir, parce que le manque de professeurs etait si criard avec les nouvelles universites, et j'etais pret. Ce qui m'a frappe cependant, c'est les histoires malheureuses de tout le monde, et puis, ma mere m'a dit de ne pas retourner. J'etais choque, mais j'ai accepte, sur la base de ce qu'elle etait pour moi. Et meme Alioune Sow, m'a dit de ne pas rentrer, Alioune!, du coup, j'ai refait mes plans de vie. En 1999, j'ai postule pour une bourse de recherche de la Deutsche Forschungsgemeinschaft, la DFG, le CRNS de l'Allemagne. Je l'ai obtenue, un des seuls non-nationalitaire a l'obtenir, je peux dire d'ailleurs le seul, car je me rappelle les negotiations pour la bourse, au telephone, et ma nationalite etait un probleme: 'es geht ja nicht.' Ca ne marche pas. Les profs qui m'avaient admis au Graduiertenkolleg ou la nationalite n'etait pas un critere, ont du intervenir. Bref, sur la base de cette bourse je suis parti a la Humbolt Universitaet de Berlin dans un Graduertenkolleg, ou j'avais donc un bureau, et un nouveau projet de recherche pour deux ans. Sur la base de ce projet, je suis alle dans des archives cinematographiques europeennes.

Rappelez-vous, je voulais retourner au Cameroun, donc, je n'etais jamais venu aux USA. Quand donc, dans le cadre de mon projet de recherche, je bloque une archive cinematographique a Paris pour un mois, je ne sais pas que je mets en difficulte un professeur americain qui y travaillait aussi. Il me contacte et me demande si nous pouvons arrangher nos calendriers, et du coup, on commence a parler des USA. Il me demande ce que je fais, je lui dis. Il s'appelle le Prof. Charles Sugnet - Minnesota. Nous sommes demeures amis. Il me demande de venir aux USA voir. J'utilise donc ma bourse pour y aller, car j'ai le droit de voyager. Je vais au congres de l'African literature association, ou je vois tous ces Africains qui sont des Professeurs, des Chefs de departement, des Doyens, et meme des Presidents d'universite! Merde, c'est la revolution dans ma tete, car en Europe, les Africains se marient pour rester, sont etudiants jusqu'a la retraite. Je retourne donc en Allemagne avec la conviction que je dois essayer ma chance aux USA. J'entends Valentin Mudimbe faire une conference a Berlin, et, son anglais est si mauvais, si incomprehensible que je conclue que s'il peut enseigner aux USA avec ce genre d'anglais-la, je peux m'en sortir aussi. Amusant cette conference: il dit qu'il parle allemand, on lui pose des questions en allemand, il ne comprend pas. J'en ris encore. Rappelez-vous, internet avait deja ete invente, donc les demandes, tout se faisait sur internet. Je commence donc a regarder les postes aux USA: MLA, Chronicle of Higher education, c'est toutes les semaines. Je trouve deux postes: le premier dans une univerie a Iowa, le second dans une universite en Pennsylvanie, car n'oubliez pas, je suis de formation germaniste, et pas africaniste. Alors, les postes de professeur d'allemand aux USA, ce n'est pas courant. Deux postes donc, auxquels je postule. Par internet.

Le premier poste me repond negativement, le second poste me repond positivement: allemand et francais. Je fais l'interview telephonique a partir de mon bureau a Berlin, en marchant pour donner l'air dynamique. L'universite paye mon trasport pour l'interview sur le campus. Le poste m'est offert sur place. Je retourne a Berlin, je fais mes bagages. Mon premier voyage aux Etats-unis, c'etait en mars 2000, pour le congres de l'ALA. En aout 2000, je suis deja dans les memes Etats-unis en train d'enseigner mes premiers etudiants. J'ai eu le temps de me marier rapidement, avec ma copine qui est encore mon epouse. J'abandonne meme mon appartement encore plein, a Berlin, car le contrat de bail etait d'un an renouvellable. J'abandonne ma bourse de la DFG, en plein chemin. Et j'ai ete oblige de la rembourser, car une bourse ne s'abandonne pas, je le decouvre aussi. Mon premier salaire y est donc alle. Je debouche aux Etats-unis comme j'ai debouche en Allemagne en 1992: je ne connais personne. J'habite chez ma collegue, le Professeur Haydee Ayala-Richards, dont j'ai malheureusement perdu le contact. Elle m'enseigne les details de la vie americaine, de l'enseignement, du manger, jusqu'au necessaire deodorant, une chemise par jour, bref, de tout. J'apprends l'anglais, car mon anglais c'est l'anglais de la formation bilingue de Yaounde, meme si j'ai ecrit ma these sur Soyinka avec. Durant ces permieres annees, il y'a une personne que j'appelle toujours, car je la connais depuis le pays - c'est le Professeur Ambroise Kom. Quasiment chaque mois je l'appelle, chaque semaine, afin qu'il me dise si ca va, si j'ai fait des erreurs, si je me comporte bien, des heures et des heures au telephone. Il est toujours la. Patient, et deja depuis m'ecoutait, comme au pays. M'envoie des trucs importants. Je le remercie encore totalement pour son oreille, il n'a jamais change. Il y'a plusieurs que j'appelle aussi - le Professeur Frieda Ekotto par exemple. J’appelle et ne rends pas visite, car je n'ai meme pas de permis de conduire. Je le fais a trente un an. Mes etudiants, c'est litteralement ma famille.

Qui ont ecrit mes lettres de recommendation pour les USA? Professeurs Dr. Barbara Koenneker, Carsten Garscha (le president de mon jury de these, qui avait aussi ecrit un article scientifique sur mon livre), Hans Lehmann, et bien sur, Klaus Jeziorkowski, mon directeur de these. Trois sur quatre, j'avais le choix. A 30 ans donc, je suis aux USA, Assistant Professor of German and French, at Shipensburg University. Tenure-track. Depuis, je suis aux USA, mais notez que mon focus, ce n'est pas l'universite. L'universite, c'est juste mon gagne-pain. Littéralement.

L'ecriture est mon focus.

Concierge de la republique