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Production décentralisée d’électricité au Cameroun comme solution alternative au déficit énergétique

INTRODUCTION :

L’un des multiples défis auxquels l’Afrique centrale doit faire face est l’accroissement rapide du nombre de leviers de la croissance économique en vue d’une part, de réduire la vulnérabilité des économies face aux contraintes externes et, d’autre part, d’accélérer sa croissance économique. La production décentralisée d’électricité vient avec ses avantages proposer une nouvelle vision en matière de développement à partir des Collectivités Territoriales Décentralisées en ce sens qu’elle est une production d’énergie électrique à l’aide d’installations de petite capacité utilisée en réseau isolé ou raccordée au réseau interconnecté à des niveaux de tension peu élevée (basse ou moyenne tension).

Au Cameroun, l’ensemble des 10 régions est doté d’un potentiel estimé à plusieurs milliersde mégawatt pour une capacité installée estimée à moins de 10% de ce potentiel, et ce, en dépit de plusieurs réformes institutionnelles entreprises par le gouvernement du Cameroun notamment : la création de l’Agence d’Électrification rurale (AER), l’Agence de Régulation du Secteur de l’Électricité (ARSEL), la Direction de l’Énergie Renouvelable et de la Maitrise de l’Énergie au Ministère de l’Eau et de l’Énergie (DERME/MINEE) ; l’intégration des énergies renouvelables dans la loi de l’électricité de 2011. Tout ceci cadrant avec la politique de décentralisation où les collectivités territoriales décentralisées (CTD) et les opérateurs privés peuvent devenir des opérateurs dans le secteur de l’électricité à travers un «Partenariat – Public – Privé». Mais malgré ces avantages très intéressants, force est de constater que ledéficit énergétique est généralisé avec un taux d’électrification qui demeure faible et très faible en zone rurale, ce qui constitue un véritable paradoxe. La production décentralisée d’électricité ici apparait dès lors comme une alternative efficace à l’amélioration de l’offre énergétique en ce sens qu’elle permet à l’État d’une part, de créer des conditions d’investissement pour les entreprises privées du secteurs de l’électricité, et d’autre part, de doter les collectivités territoriales décentralisées, d’un cadre législatif, administratif et technique pour l’installation, l’exploitation et la maintenance d’une unité de production de

l’énergie électrique.

SITUATION DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE AU CAMEROUN

La politique stratégique d’électricité du Cameroun est basée sur des principes, des objectifs et des priorités issus des multiples plans directeurs, passant par le DSCE 2010-2020 jusqu’à la SND 2020-2030. Ainsi le plan stratégique concerne prioritairement : l’acquisition de nouvelles capacités de production d’électricité; le développement des réseaux de transport d’électricité et l’accès à l’électricité, alors que le plan opérationnel quant à lui, s’appuie principalement sur les grands projets hydroélectriques ; la production d’électricité à partir des Énergies renouvelables ainsi que l’extension du réseau et l’interconnexion des trois réseaux RIS, RIN et RIE.

Le Cameroun qui a l’un des meilleurs potentiels d’Afrique centrale en Énergies Renouvelables (Investir au Cameroun, 2013), s’est engagé dans le cadre de la COP 21 à produire 25% de son énergie électrique à travers ces Énergies Renouvelables à l’horizon 2035 (soit environ 1500 MW de capacité installée, en dehors des barrages hydroélectriques de plus de 5MW), ce qui justifie aisément le développement et l’intensification de la production décentralisée d'électricité afin d’assurer l’accès à l’électricité à tous à l’horizon 2035.

CHIFFRES CLÉS DANS LE SECTEUR DE L’ÉNERGIE ÉLECTRIQUE

A) LE POTENTIEL DU CAMEROUN

1- Énergies Renouvelables :

- Solaire (photovoltaïque) :4.9 kWh/m²/jr soit un potentiel à 10105 TWh/an

- Vent (éolienne) : 4 m/s soit un potentiel de 979TWh/an

- Biomasse : potentiel du bois : 4.6TWh/an ; Agriculture : 1.3TWh/an ; Bétail : 0.6TWh/an

- Hydraulique (petite hydroélectricité) : puissance de [0 – 5MW], un potentiel de 2.1 TWh/an

[Source: IRENA (2014); Tractebel Engineering (2014); MINEE (2014b, Appendix 5), MINEE (2015, p38); MINEE (2016a, pp 137-14)]

2- Énergie hydroélectrique:

La puissance hydroélectrique potentielle est estimée à 115TWh (23 000 MW), ce qui fait du Cameroun le 2ème pays du continent africain en termes de potentiel hydroélectrique et le 18ème à l’échelle mondiale.

[Source : Groupe Banque Africaine de Développement, (14.10.2019)]

B) LA PRODUCTION ESTIMATIVE ACTUELLE

La puissance installée actuelle du Cameroun est d’environ 1600 MW,

ENEO : 986.6 MW; KPDC : 216 MW ; Memve’ele-EDC : 211MW ; DPDC : 86 MW; Hydro-Mekin : 15 MW ; le reste en production indépendante.

C) L’ACCÈS À L'ÉLECTRICITÉ

- Environ 5 000 localités au total sont électrifiées sur 14 207, un taux assez faible.

- L’offre en énergie électrique demeure insuffisante, malgré les efforts faits depuis 2006 jusqu’à nos jours où la production est passée de 941 MW à 1600 MW environ.

- La demande en énergie électrique selon le scénario dit « des Grandes Ambitions ») s’estenvolée depuis 2006 jusqu’à nos jours où elle est passée de 755 MW à 3355 MW environ, ce qui représente pratiquement le double de l’énergie disponible actuellement.

D) ACQUISITION DE NOUVELLES CAPACITÉS DE PRODUCTION

Le Plan Directeur du Secteur de l’Électricité à l’horizon 2035 prévoit plusieurs projets pour

améliorer l’offre d’énergie électrique afin de passer à une production d’environ 15 000 MW et à un réseau de transport suffisamment dense, repartis ainsi qu’il suit :

1- Projets dans les Énergies Renouvelables pour une puissance cumulée de 150 MW :

- Les centrales solaires de Ngaoundéré (20MW), de Maroua (15MW), de Guider (10MW), de Garoua (30MW) ;

- Les centrales éoliennes de Bamboutos (42 MW), de Ngaoundéré, Kribi, Limbé, Kousseri et Douala ;

- Les centrales à biomasse de Mundemba, de l’Est ;

- Les petites centrales hydroélectriques de Mbakaou (1.4MW), de Nchi (2.4MW), de Yokadouma (1MW), de Ntuh (5MW), Ndakayo (4.5 MW)...etc.…

2- Projets hydroélectriques en cours de finition pour une puissance cumulée de 750 MW:

- Les centrales hydroélectriques de Song Loulou et Edéa (optimisation à 150MW), de Memve’ele (optimisation à 211MW), de Nachtigal (420MW), de Lom pangar (30MW…)

3- Projets hydroélectriques futurs pour une puissance cumulée de 8 700 MW:

- Les centrales hydroélectriques de Lebanga (960MW), Makay (400MW), Song

Dong (270 MW), Edéa Amont (200 MW), Song Mbengue (1050 MW), Kikot (330MW), Njock (270MW), Nachtigal Aval (350 MW), Nyanzom (375MW), Bayomen (470 MW), Mouila Mogué (350 MW), Banganté (90 MW), Gbazoumbé (12MW), Colomines (7 MW).

- Les sites pertinents de Cholet (400 MW), Grand EWENG/Ngodi (1150MW), Noun – Wouri (1200 MW), Mandourou (67 MW) et Mbinjal (66 MW), Lancrenon (34 MW), Vogzom (33 MW), Munaya (200 MW), Kpaf (300 MW), Menchum

(72MW), etc…

E) DÉVELOPPEMENT DES RÉSEAUX DE TRANSPORT D'ÉLECTRICITÉ

- L’interconnexion des trois réseaux RIS, RIN et RIE.

- Projets de réalisation des milliers de km de ligne haute tension entre autre : Memve’ele–Yaoundé ; Yaoundé–Abong Mbang ; Nachtigal–Yaoundé ; Nkongsamba–

Bafoussam ; Ntui–Bafoussam ; Ngaoundéré–Maroua, Maroua–Ndjamena …etc…

À la lecture statistique de ce qui précède, il est aisé de constater que le Cameroun a effectivement un

potentiel très intéressant mais sous exploité au regard de la production générale actuelle et envisagée à l’horizon 2030, puisque les projets planifiés en cours d’exécution ne vont apporter que tout au plus 900 MW environ, ce qui porterait la puissance totale installée à 2500

MW. C'est encourageant mais malheureusement, cela demeure toujours largement en deçà de la demande nationale et/ou sous régionale.

PROBLÉMATIQUE OPÉRATIONNELLE DANS LES GRANDS PROJETS

Le plan stratégique de l’électricité du Cameroun tel qu’il est conçu et basé sur des centaines projets d’ici 2035, peut être suffisant pour lui permettre d'atteindre son indépendance en énergie électrique et d’en exporter vers les pays voisins (Tchad, Nigéria). Mais pour atteindre de tels objectifs, il faudrait que Cameroun consente d’énormes investissements financiers atteignant parfois 10 fois le budget du Cameroun, ce qui présente quand-même une réelle difficulté malgré toutes les garanties présentées à travers le ministère de l’eau et de l’énergie. En effet, dans l’implémentation de la plupart des projets de production ou de transport d’énergie électrique, il est aisé de remarquer que le Cameroun se heurte le plus souvent à plusieurs problèmes qui ne permettent pas toujours l’aboutissement de ces projets à date. Il s’agit entre-autre de :

a) - La mobilisation tardive par l’administration centrale, des fonds de contrepartie des projets ayant des conventions de financement (pour le cas d’espèce il faudrait mobiliser plusieurs milliers de milliards de FCFA) ;

b)- La libération tardive de certaines emprises foncières au bénéfice du projet (processus des indemnisations assez complexe) ;

c)- Les difficultés de paiement par l’administration centrale, des décomptes des entreprises en charge d’exécution des projets ;

d)- Les difficultés liées à la gestion des projets par l’administration centrale.

À l'analyse stratégique de tout ceci et compte tenu de la situation économique actuelle, il devient évident de comprendre qu’en l’état actuel du plan stratégique de l’électricité, l’indépendance en énergie électrique du Cameroun sera difficilement atteinte en 2035 et par conséquent, la grande industrialisation et les populations sans cessent croissantes, continueront à subir les effets néfastes ainsi que les pertes économiques découlant de la carence de l’énergie électrique et ce en dépit des multiples efforts faits par le concessionnaire ENEO.

TENTATIVE DE SOLUTION ALTERNATIVE

Plusieurs solutions sont envisageables à moyen terme, mais dans tous les cas, il y a lieu d’apporter une amélioration urgente dans le PDSE_2030. En effet, hors mis d’énormes ressources à rechercher pour financer ce plan, il faudrait également envisager l’introduction véritable de la production décentralisée d’électricité dans les Collectivités Territoriales Décentralisées (PDE-CTD_2030), à travers les Énergies Renouvelables telles que la petite hydroélectricité et autres...

En effet, le Cameroun peut améliorer sa stratégie en intensifiant la production décentralisée d'électricité. Dès lors, il pourrait être envisagé que les grands projets d’aménagements hydroélectriques soient exploités dans le cadre restreint de la grande industrialisation, de l’alimentation des grands centres administratifs et de l’exportation vers la sous-région, tandis que les projets de production décentralisée d’électricité soient exploités pour les ménages et le

développement économique dans les Collectivités Territoriales Décentralisées (CTD) et les zones isolées du réseau du concessionnaire ENEO.

Pour ce faire, il faudra que chacun des acteurs institutionnels joue pleinement son rôle pour la réussite du PDE_CTD_2030. Concrètement il s’agira :

I- POUR LE GOUVERNEMENT

1- Adoption du plan directeur des énergies renouvelables (textes réglementaires pour le développement des énergies renouvelables et compatibles avec le code général des collectivités territoriales décentralisées)

2- Exonération douanière accordée au CTD (relative à l'acquisition des équipements et matériels spécifiques utilisés pour la captation des énergies renouvelables, leur transformation en électricité et leur exploitation)

3- Exonération fiscale de la TVA accordée au CTD (assujettie à la commercialisation au niveau local de l'énergie électrique issues des énergies renouvelables sur les cinq (05) premières années d'exploitation)

4- Transformation de la DERME (direction de l'énergie renouvelable et de la maîtrise de l'énergie) en CENER "Centre National pour les Énergies Renouvelables" (structure dotée d'une réelle autonomie, et chargée de la promotion et du développement des énergies renouvelables au Cameroun)

5- Relèvement du régime de la liberté à 1MW et du régime de déclaration à 2MW pour les énergies renouvelables (ce qui permet d'encourager les investisseurs et de réduire le nombre de dossiers à traiter à l'ARSEL)

6- Formation des responsables des collectivités territoriales décentralisées (doter les CTD des outils administratifs et techniques pour mieux implémenter les projets de production décentralisée d'électricité)

7- Simplification des procédures d'obtention des contrats d'achat d'électricité (CAE) le cas échéant (procédure allégée avec le concessionnaire national)

8- Subvention spéciale accordée aux CTD (aides financières issues des bénéfices cumulés et produits par les grands barrages hydroélectriques pour une réaffectation dans la réalisation des petites unités de production décentralisée d'électricité)

II_POUR LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES DÉCENTRALISÉES_

1- Création d'une section "énergies renouvelables" au sein de chaque service technique des CTD (cette section sera chargée de faire un bilan énergétique annuel afin de proposer une meilleure approche de la politique énergétique à implémenter dans les CTD)

2- Mise en place d'un système d'emprunt obligataire local pour le financement des projets énergétiques (apports financiers locaux, apports de l'élite locale, apports des acteurs au développement local)

3- Mise en œuvre d'un excellent système de gestion des projets énergétiques locaux par les CTD (gestion locale rigoureuse des investissements d'origine nationale ou internationale pour l'appui au développement de la production décentralisée d'électricité au Cameroun)

4- Formation et recrutement du personnel technique spécialisé dans le domaine des infrastructures énergétiques (formation et recrutement des ingénieurs et/ou techniciens spécialisés dans la production et évacuation de l'énergie électrique dans chaque CTD)

RÉSULTATS ATTENDUS À L’HORIZON 2035

a)- Au moins 250 projets de petites unités de production décentralisée d'électricité d'une puissance de [0,2 - 5 MW] sont élaborés jusqu’au stade d’exécution par le centre nationale des énergies renouvelables (CNER) et les CTD ;

b)- Au moins 100 projets de petites unités de production décentralisée d’électricité sont réalisées et exploités par les Collectivités Territoriales Décentralisées pour un apport de près de 1000 MW dans le réseau national ;

c)- Des millions d’emplois directs et indirects sont créés dans les CTD pour les jeunes ;

d)- L’accès à l’énergie en quantité est considérablement amélioré aussi bien en zone urbaine que rurale. Ce qui permettra d’impulser la grande industrialisation ainsi que le développement économique dans les CTD ;

e)- Amélioration de la qualité de l’offre en énergie dû à la réduction des pertes subies sur la ligne de transport du fait de sa longueur partant des grandes zones de productions vers les zones lointaines de distribution ;

f)- _Les collectivités territoriales décentralisées participent effectivement à la mise en œuvre et à l’exploitation des projets de production décentralisée d’électricité dans

leurs propres localités.

ESSAIS DE CONCLUSION

Le Cameroun tout comme plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, a basé son plan stratégique d’électricité sur les projets de grands barrages hydroélectriques, négligeant les énergies renouvelables comme l’atteste le nombre très faible d’unités de production en cours d’exploitation actuellement en rapport avec le potentiel disponible. Cette situation pourrait expliquer la difficulté d’accès à l’énergie électrique surtout dans les zones rurales. Mais pourtant, le Cameroun n’est pas le premier pays à élaborer les plans stratégiques pour s’affranchir des problèmes d’énergie électrique à partir de son potentiel. En effet, certains pays comme la chine (41 000 petites centrales hydroélectriques) ou la suisse (700 petites unités d’hydroélectricité), ont su adopter une politique de production décentralisée d’électricité pour pouvoir mieux impulser le développement social et économique des localités décentralisées. Il est donc tout à fait possible que le Cameroun réajuste son plan stratégique d’électricité afin de satisfaire au mieux la demande des millions de ménages des zones décentralisées et/ou rurales, ainsi, les grands barrages hydroélectriques resteraient exclusivement pour la grande industrialisation, les centres administratifs et l’exportation.

Nous encourageons le gouvernement du Cameroun pour la poursuite de l’implémentation des grands barrages malgré le coût et le temps de réalisation qui ne sont pas toujours respectés. Mais une recommandation est suggérée en vue de l’amélioration urgente du plan stratégique de l’électricité en y introduisant de manière très claire un plan stratégique de production décentralisée d’électricité dans les collectivités territoriales décentralisées à l’horizon 2030 (PDE_CTD_2030).

ASSOCIATION D'INGÉNIEURS POUR LA PROMOTION ET DE LE DÉVELOPPEMENT DE LA PETITE HYDROELECTRICITE AU CAMEROUN ET EN AFRIQUE CENTRALE

Auteur : Yves Ndzie, ing GC_Hydroélectricité.

CIBLES :

- Présidence de la République

- Ministère de l'eau et de l'énergie

- Société civile

- Acteurs au développement local

- Partis politiques

- Universitaires

[email protected]

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