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Résultats du Baccalauréat au Cameroun : quelle crédibilité accordée aux taux de réussite et aux classements qui en découlent ?

Les résultats du Baccalauréat de l'enseignement secondaire général viennent d'être publiés par l'Office du Baccalauréat du Cameroun (OBC). Le taux national de réussite (75,73%) est en hausse par rapport à l'année dernière (66,62%). Le Dr Sandjong Sani relève l'éventualité d’une manipulation des pourcentages de réussite, ainsi que leur exploitation biaisée et insuffisante susceptible d'affecter la qualité de l'éducation.

Les spécialistes de l'éducation accordent une grande importance à l'analyse des résultats scolaires. Ces données permettent d'analyser la qualité des systèmes éducatifs, en plus d'être révélateurs de l'ampleur de l'acquisition des savoirs par les élèves. Il devrait normalement s’en suivre une exploitation appropriée et un ensemble de mesures visant à améliorer les insuffisances. Après la publication des statistiques des résultats du Baccalauréat 2023 au Cameroun, il faut se préoccuper d'une part, de la pertinence et la crédibilité des chiffres publiés, et d'autre part, de porter un regard critique tout en proposant des pistes d'amélioration concernant leur obtention et leur exploitation.  

Ces dernières années ont été marquées par une hausse considérable des résultats du Baccalauréat de l'enseignement secondaire général au Cameroun. On est aujourd'hui bien loin des années où les taux de réussite étaient régulièrement en deçà 50%. Pour ces trois dernières années par exemple, la moyenne des pourcentages de réussite est de 71,63%. C'est à croire que notre système éducatif aurait subi des réformes majeures ayant permis une amélioration hautement significative. D'aucuns pourraient avancer comme justificatifs de cette augmentation, l'hypothèse de l'implémentation de l'approche pédagogique par les compétences (APC), ou l'accentuation du processus de digitalisation des enseignements. Mais en réalité, on est en droit d'en douter, car plusieurs analystes dénoncent actuellement des dysfonctionnements dans l'application de l'APC, n'ayant pas notamment bénéficié de l'entièreté des mesures d'accompagnement et des ressources indispensables sur tout le territoire pour une application optimale. Dans la même veine, il y a cette évidence des disparités existantes en relation avec l'appropriation des outils digitalisés dans les processus d'enseignement/apprentissage. Par ailleurs, des acteurs du milieu éducatif témoignent parfois du décalage de performances dans les examens certificatifs, avec les notes des évaluations sommatives de classe. De plus, il avait été surprenant que la grève des acteurs majeurs du système éducatif (les enseignants) qui a eu lieu en 2022, n’ait pas considérablement affecté les résultats aux examens officiels.  

Tous les facteurs suscités peuvent contribuer au doute de la véracité des taux de réussite obtenus aux examens officiels. Ils pourraient avoir été l'objet de modifications dans le but de masquer les insuffisances du système éducatif et à des fins politiques.  

Concernant l'analyse du classement des régions présenté par l'OBC à l'issue du Baccalauréat 2023, la différence en effectifs des candidats est le premier élément indiquant son incongruité. La pertinence de ce classement peut être aussi contestée, tenant compte des facteurs révélant des différences intra-régionales ou inter-régionales relatives aux établissements scolaires, et en termes de conditions d'apprentissage et d'influences socioéconomiques et culturelles des apprenants. On peut citer entre autres l'importance d'apprenants issus de familles indigentes, les conditions de vie difficiles liées à la ruralité, la disponibilité en infrastructures et en ressources éducatives, le taux de personnels qualifiés impliqués dans l'encadrement pédagogique, la rudesse du climat, les pesanteurs socioculturelles.  

Toutefois, on peut accorder du crédit à ce classement dans le sens qu'il donne une idée des régions requérant le plus d'investissements de l'État ou d'autres acteurs de la communauté éducative, pour une amélioration qualitative du système éducatif. À l'évidence, ces régions réunissent le plus de facteurs défavorables à la qualité de l'éducation. Elles correspondent pour la plupart à des zones d'éducation dites prioritaires.   Ainsi, il serait idéal de publier et d'exploiter les données réelles des résultats scolaires. Cela permettrait l’adoption de stratégies plus efficaces visant une amélioration des performances correspondant à la réalité. Et dans la perspective de rénover les futurs classements, il est nécessaire de procéder au préalable, à une catégorisation des établissements scolaires. Ceci peut se faire par des regroupements d'établissements ayant le plus de facteurs similaires relativement à la qualité de l'éducation. Les classements intra ou inter-régionaux pourront donc se faire dans les différentes catégories établies.    

 

Dr Sandjong Sani