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Visé par un mandat de la CPI, Vladimir Poutine peut être arrêté dans n’importe quel pays du monde

Vendredi, la Cour pénale internationale de La Haye a émis deux mandats d’arrêt, dont l’un contre le président russe. Il est question d’une grave violation de la quatrième Convention de Genève. Poutine pourrait être arrêté dans n’importe quel Etat du monde.

C’est un coup de tonnerre en pleine guerre d’Ukraine. Vendredi, la Cour pénale internationale, à La Haye, a émis un mandat d’arrêt contre le président russe Vladimir Poutine ainsi que contre Maria Alekseyevna Lvova-Belova, commissaire présidentielle aux droits de l’enfant en Russie. Motif: le maître du Kremlin «est présumé responsable du crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) des zones occupées d’Ukraine vers la Fédération de Russie». Pour la CPI, il y a des «motifs raisonnables de croire que [Vladimir] Poutine est personnellement responsable» de ces crimes qui ont été commis au moins à partir du 24 février 2022, date de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

Obligation des Etats

La déportation de milliers d’enfants ukrainiens vers des centres de rééducation en Russie, où ils seraient soumis à un processus de «russification», a fait l’objet d’une enquête prioritaire de la CPI, selon son procureur général, le Britannique Karim Khan. Dès le début de la guerre, la CPI a ouvert une enquête sur de possibles crimes de guerre en Ukraine. Bien que sous-financée, elle a dépêché plus d’une quarantaine d’experts en Ukraine pour enquêter et récolter des preuves.

 

Quels effets aura l’émission d’un tel mandat d’arrêt? La Russie n’est pas un Etat partie au Statut de Rome instituant la CPI. L’Ukraine non plus, mais elle a accepté la compétence de la CPI sur son territoire. Andrew Clapham, professeur de droit international à l’Institut de hautes études internationales et du développement (IHEID), souligne toutefois: «Si l’une des deux personnes faisant l’objet des mandats d’arrêt voyage dans un Etat partie au Statut de Rome, il peut être arrêté et envoyé à La Haye. Se pose toutefois la question de l’immunité d’un chef d’Etat devant une juridiction nationale.» Mais en analysant de plus près le communiqué de la CPI, Andrew Clapham arrive à une autre conclusion: «L’art. 8 (2) (a) (vii) du Statut de Rome signifie qu’il s’agit d’une infraction grave de la quatrième Convention de Genève en son article 147. Cela signifie que Vladimir Poutine peut être arrêté dans n’importe quel pays du monde. Tous les Etats de la planète ont ratifié les Conventions de Genève, y compris la Russie. C’est un crime de compétence universelle. Chaque Etat a l’obligation d’arrêter la personne faisant l’objet d’un tel mandat.»

Lire aussi: Des Etats demandent la création d’un tribunal spécial pour juger le crime d’agression russe en Ukraine

En l’occurrence, la responsabilité du président russe est celle d’un supérieur dans la chaîne de commandement non pas militaire, mais civile. C’est l’autorité d’un responsable politique qui a ordonné directement ou indirectement que les forces russes procèdent à la déportation de milliers d’enfants ukrainiens. Andrew Clapham ajoute que même le Protocole I des Conventions de Genève de 1977, ratifié aussi bien par la Russie que par l’Ukraine, a été gravement violé. «C’est assez rare», ajoute le professeur de l’IHEID, auteur du livre War (2021).

On est encore loin de voir Vladimir Poutine dans les prisons de la Cour pénale internationale à La Haye, mais le moment revêt une importance majeure. Liz Evenson, de l’ONG Human Rights Watch le relève: «Cette action de la CPI montre que personne n’est au-dessus du droit international. C’est un message d’alerte qui va encourager la CPI à poursuivre son travail d’enquête. Cela montre que la justice n’est pas simplement une abstraction, mais qu’elle produit des effets concrets. La justice fonctionne, quel que soit le temps qu’elle prenne pour juger des criminels.»

Déni du Kremlin

Le Kremlin a réagi à la décision de la CPI par la voix de son porte-parole Dmitri Peskov: «La Russie, comme un certain nombre d’Etats, ne reconnaît pas la compétence de ce tribunal, par conséquent, du point de vue de la loi, les décisions de ce tribunal sont nulles et non avenues.» L’ex-président russe Dmitri Medvedev, une des figures les plus radicales du clan Poutine, a surenchéri: «La Cour pénale internationale a émis un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine. Pas besoin d’expliquer où ce papier doit être utilisé.» Mais, comme l’explique Andrew Clapham, cette focalisation sur la non-compétence de la CPI ne tient pas puisque la CPI se réfère à une violation grave de la quatrième Convention de Genève, ratifiée par tous les Etats de la planète. Ce simple fait risque d’ailleurs de fortement compliquer les déplacements futurs de Vladimir Poutine. Ce dernier ne sera désormais plus à l’abri de se faire un jour arrêter dans un Etat qui aura le courage d’assumer son obligation imposée par les Conventions de Genève.

Ancien ambassadeur pour les crimes de guerre lors de la présidence de Barack Obama et ex-procureur en chef du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, Stephen Rapp le précise au Temps: «Ce mandat d’arrêt fait de Poutine un paria. S’il voyage, il risque l’arrestation. Et cette menace ne va jamais disparaître. De plus, la Russie ne pourra jamais s’affranchir des sanctions dont elle est l’objet sans se conformer aux deux mandats d’arrêt. En fin de compte, Poutine risque bien de finir à La Haye comme les présidents serbe Slobodan Milosevic et libérien Charles Taylor. Ou sinon, il finira isolé avec ce mandat suspendu au-dessus de sa tête comme une épée de Damoclès.» Après l’émission d’un mandat similaire, Milosevic, dit-on, avait perdu une grande partie de sa légitimité en Serbie même.

 

 

Le Temps

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