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Voici à quoi pensait Marafa Hamidou en 2015, au sujet de l’organisation de la CAN 2019 par le Cameroun

Marafa Hamidou

Dans l’une de ses missions épistolaires en 2015, l’ancien secrétaire général à la présidence de la république, Marafa Hamidou Yaya, aujourd’hui condamné à 25 ans de prison ferme pour « complicité intellectuelle », doutait déjà de la capacité du Cameroun  quant à l’organisation de la CAN 2019

« Voulons-nous, pouvons-nous, nous permettre cette dépense, cet investissement sans lendemain, qui profitera majoritairement à des entreprises étrangères et qui, puisque nous sollicitons l’aide la Chine pour l’assumer, creusera notre endettement?», s’interrogeait l’homme politique

Marafa Hamidou Yaya, par souci de dépenses et au regard de l’environnement sécuritaire marqué par la montée en puissance du groupe terroriste Boko Haram à l’époque, préconisait que l’organisation de la compétition soit partagée avec « nos voisins et frères d’armes dans la lutte contre Boko Haram : le Nigeria et le Tchad »

Lire l’intégralité de sa sortie

Dans un contexte économique difficile, marqué par la chute du prix du pétrole et des dépenses militaires exceptionnelles liées à la lutte contre Boko Haram, le Cameroun envisage, dans son projet de lois de finances 2016, d’affecter 550 milliards de francs CFA (838 millions d’euros), soit 13 % de son budget, à « la construction des infrastructures nécessaires à la tenue des Coupes d’Afrique des nations de football 2016 (féminine) et 2019 (masculine) ».

Sont projetés notamment deux nouveaux stades, de respectivement 60 000 et 50 000 places, à Yaoundé et à Douala, pour 150 milliards de francs CFA chacun, la réhabilitation des stades omnisports existants de Yaoundé, Douala, Bafoussam et Garoua (158 milliards de francs CFA), l’aménagement extérieur des stades de Limbé et de Bafoussam (20 milliards de francs CFA), ainsi que l’adaptation des infrastructures routières et hôtelières dans et autour des villes concernées.

Voulons-nous, pouvons-nous, nous permettre cette dépense, cet investissement sans lendemain, qui profitera majoritairement à des entreprises étrangères et qui, puisque nous sollicitons l’aide la Chine pour l’assumer, creusera notre endettement ? Non. Investir dans l’éducation et la sécurité

Ces 838 millions d’euros dépensés pour la tenue d’événements de prestige vont se traduire par un déficit de 4,5 % du budget de l’État. De plus, vu le retard pris dans l’avancement des travaux, il est très probable que la facture finale sera alourdie par les dépassements.

Pour ce seul motif, la dépense serait déjà insoutenable. Mais elle l’est encore plus si l’on considère qu’elle détourne des ressources publiques, déjà en baisse, de nos priorités vitales et interdépendantes que sont l’éducation et la sécurité face aux attentats répétés de Boko Haram. Il ne s’agit pas seulement des moyens à donner à nos courageux gendarmes et militaires, engagés dans une lutte de longue haleine.

Les 550 milliards de francs CFA alloués aux deux coupes de football représentent davantage que le budget de l’éducation (éducation de base, enseignements secondaire et supérieur) en 2016, qui s’élèvera à 499 milliards de francs CFA.

Pourquoi cette comparaison ? L’éducation est le vecteur le plus efficace pour lutter contre l’extrémisme. Ces Camerounais, et en particulier ces jeunes femmes kamikazes, qui tuent d’autres Camerounais à Garoua, à Fotokol et ailleurs, agissent aussi par désespoir.

Leur donner des perspectives de réalisation personnelle, de dignité, de maîtrise de leur destin suppose qu’elles entrent le plus tôt possible à l’école et en sortent le mieux formées possible. Nos militaires peuvent vaincre Boko Haram, mais seuls l’éducation et l’emploi permettront de triompher durablement de l’extrémisme.

Bien sûr, la vocation de l’éducation ne se réduit pas à l’enjeu sécuritaire. Elle engage l’avenir de notre pays sur tous les plans. C’est pour cette raison que j’ai proposé de rendre l’éducation obligatoire jusqu’à 16 ans. Or l’éducation primaire, secondaire et supérieure subit un déficit de moyens dramatique.

Les besoins sont considérables, un Camerounais sur deux ayant moins de 18 ans, mais nos infrastructures sont très loin de pouvoir y répondre.

Dans le primaire, on compte en moyenne 50 places assises pour 60 élèves. Un écart que va très vite creuser la démographie.

Partager la CAN avec les pays voisins

Quelle réponse apporte le projet de budget 2016 de l’État? Il aggrave la situation, en réduisant des ressources déjà dramatiquement pauvres. En tenant compte de l’inflation, le budget 2016 de l’éducation recule de 1 % par rapport à 2015. Devons-nous, pour autant, renoncer à la CAN et demander son report comme l’a fait récemment le Maroc pour cause d’Ebola? Non. Le Cameroun, qui n’a pas reçu la CAN depuis 1972, risquerait d’en être privé pour les vingt prochaines années.

Et ce serait aussi une victoire pour Boko Haram. Non, il ne faut pas renoncer. Quelle est donc ma proposition? Partager la CAN avec nos voisins et frères d’armes dans la lutte contre Boko Haram : le Nigeria et le Tchad. Un tel partage impliquerait peu d’investissements supplémentaires. De plus, ceux-ci auraient un impact bénéfique de long terme, dépassant largement l’horizon des deux CAN.

S’agissant des stades, le Cameroun pourrait organiser la CAN féminine en 2016 avec les installations qui sont déjà en cours de réhabilitation.

Pour la CAN masculine de 2019, le cahier des charges impose de disposer de quatre stades. Il serait respecté en s’appuyant sur les équipements de nos voisins, qui disposent chacun d’un grand stade à Abuja et à N’Djamena. Cela permettrait de renoncer à la construction des grands stades à Yaoundé et Douala.

Quant aux infrastructures hôtelières, celles de nos voisins sont déjà adaptées à ce type d’événement. Pour ce qui est du parc camerounais, la solution serait de favoriser l’investissement privé, la vocation de l’Etat n’étant pas, de toute façon, de construire des hôtels.

Le choix de la raison et de la fraternité

De fait, les efforts les plus importants devront être faits dans les réseaux de transports vers nos voisins. Mais il s’agit là d’une formidable occasion !

Réaliser enfin l’extension du chemin de fer camerounais de Ngaoundere à N’Djamena permettrait de créer des emplois et de désenclaver le Tchad.

Créer des axes routiers entre le Cameroun et le Nigeria serait le vecteur d’une dynamique d’intégration régionale synonyme de croissance durable et de partage.

Est-ce possible ?

Oui. Les dossiers techniques sont prêts. En juillet, à Yaoundé, les chefs d’État nigérian et camerounais ont affirmé leur volonté de connecter leurs réseaux routiers. De surcroît, les retombées bénéfiques de ces projets de transports seraient telles que la mobilisation des bailleurs de fonds internationaux et des investisseurs étrangers sera au rendez-vous.

Qu’aurions-nous à gagner à ce partage ?

Tout. Une économie massive qui permettra d’investir dans l’éducation pour préparer l’avenir de nos jeunes et dans la défense pour équiper nos troupes face aux terroristes ; une accélération et une concrétisation de l’intégration économique dans la sous-région ; une illustration éclatante de la solidité de nos liens avec nos frères nigérians et tchadiens sur le territoire même où Boko Haram mène sa campagne de mort et de division. Notre fierté nationale peut aussi s’exprimer par ce choix de la raison et de la fraternité