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Expropriation foncière : 200 familles dans la rue à Mbankomo

Les populations de Nomayos II réclament plus de 200 hectares de terre abusivement arrachés au profit de la Magzi. L’intervention du Chef de l’Etat attendue.

Les concessions foncières au Cameroun sont fréquemment émaillées de conflits, notamment du fait des expropriations abusives. C’est le cas de ce qu’il est convenu de nommer « l’affaire foncière de Mbankomo » qui fait partie des plus gros scandales d’expropriations foncières au Cameroun. Tout a commencé en 2016, alors Mme Jacqueline Koung à Bessike est ministre des Domaines, du cadastre et des affaires foncières.

Cette dernière a pris un arrêté portant d’utilité publique les travaux d’aménagement d’une zone industrielle sur une dépendance du domaine national sur une superficie de 201 hectares au lieu-dit Nomayos II dans l’arrondisse- ment de Mbankomo, département de la Mefou et Akono, région du Centre.

Seulement, renseigne une source proche du dossier, sur les 201 hectares réquisitionnés au profit de la Mission d’aménage- ment des zones industrielles (Magzi), près de 161 hectares faisaient partie du domaine privé avec des titres fonciers vieux de plus de 40 ans.

Curieusement, les populations de cette zone n’ont reçu aucune sollicitation des termes de la Magzi pour des œuvres d’intérêt national suivant la réglementation prescrite. Une situation qui a entraîné une aggravation de l’impact négatif des activités de l’entreprise sur les communautés de Nomayos II.

Les habitants de ces zones « sont victimes d’accaparement de terres et de leurs moyens de subsistance », accuse l’analyste politique Germain Nnanga, qui estime que ces faits « constituent de graves violations des droits de l’homme tels que consacrés par les instruments de droit international ».

Ces revendications, très locales, alimentent une frustration plus générale qu’expriment beaucoup d’habitants de Nomayos II face à ce qui est perçu comme un « abus ».

Indifférence du Mindcaf

Se sentant abusées, les populations de Nomayos II, constituées en collectif, ont saisi Mme Koung à Bessike par un recours gracieux pour l’informer qu’elle avait été induite en erreur . Car, souligne notre source, près de 80% des terres étaient des termes privés avec des titres fonciers conformes et des mises en valeur régulières. N’ayant reçu aucune suite favorable auprès du ministre, les populations ont saisi le juge administratif qui a ordonné « un sursis à exécution ».

Parallèlement, ces populations ont saisi le président de la République par le biais de son Secrétaire général. Ce dernier , apprend-on, a écrit au Mindcaf lui demandant entre autres le plan d’installation et de recasement des populations.

« Nos multiples démarches sont restées vaines aussi bien au niveau du nouveau ministre des Domaines, Henri Eyébé Ayissi que du Premier ministre Joseph Dion Ngute », explique Bomba Atangana, retraité et qui prend une part active au mouvement de contestation initié par les ressortissants dudit village face à ce qu’ils estiment être « une expropriation abusive ».

L’indifférence des autorités face aux pleurs et à la paupérisation des populations de Nomayos II ne saurait s’expliquer. La souffrance serait devenue la norme au Cameroun, et non l’exception. Nonobstant ces souffrances, l’inquiétude grandissante de ces compatriotes de Mbankomo quant à leur avenir, à ceux de leurs enfants, n’ont trouvé mieux que les formes éculées d’expression et d’action dont la chronique de l’échec est connue d’avance.

« Quand on arrache nos terres de cette manière, c’est pour que nous allions vivre où avec nos enfants ? Nous implorons l’aide du président Paul Biya afin que nous soyons rétablis dans nos droits », hurle Mme Afana, la soixantaine dépassée.

L’exaspération est à son comble pour les 200 familles qui se trouvent désormais dans la rue. « Quand les entreprises s’installent, elles s’accaparent des terres, parfois sans compensation à la hauteur des superficies per- dues. Après les opérations de déguerpisse- ment, une grande partie des paysans héritent de parcelles plus petites que celles qu’ils ont été forcés de quitter », commente Germain Nnanga, analyste poli- tique.

« Les procédures d’expropriation ont respecté le canevas réglementaire. Il y a eu des réunions de sensibilisation des populations, une enquête d’incorporation, des bénéficiaires d’indemnités ont été identifiés », se défend l’administration de la Mefou et Akono, qui promet néanmoins que ses services « vont procéder à des vérifications pour s’assurer que tout à été mené comme il le fallait ».

Fuite en avant

De son côté, le ministère du Cadastre et des Affaires foncières justifie cette « expropriation » pour des projets d’utilité publique. « Il s’agissait des terres non immatriculées donc n’ayant pas de titre foncier, et pas encore mises en valeur », assure-t-on au ministère.Mais la situation a depuis pris des proportions inquiétantes. Les populations expropriées se disent prê- tent à descendre dans la rue pour crier leur indignation et faire entendre leur voix.

« Une appropriation juridique des terres qui ignore la propriété coutumière sera toujours vécue comme spoliatrice et sera source de frustration surtout quand cela profitera à des acteurs extérieurs à la région », estime l’opposant Cabral Libii, leader du Pcrn. Selon les professionnels du cadastre, le problème vient surtout de la faiblesse des textes qui régissent actuelle- ment le foncier.

« Il faut dire que leur ossature principale est vieille de quarante-cinq ans, date de la dernière réforme d’ampleur sur ces questions », affirme ainsi Samuel Guiffo, auteur d’une étude sur le cadre juridique de la reforme foncière au Cameroun.

Le spécialiste évoque notamment la faible efficacité de la mise en œuvre des droits procéduraux (consultation, participation publique, accès à la justice…), et des améliorations à apporter quant à l’indemnisation et au partage des bénéfices tirés de la gestion des ressources foncières.

Au ministère du Cadastre et des Affaires foncière, où la reforme foncière est officiellement à l’étude depuis une instruction présidentielle de janvier 2011, rien ne filtre sur le niveau d’avancement des travaux. Mais le nombre interminable de problèmes autour de la question foncière pourraient cependant précipiter l’adoption d’un nouveau code.

Ahmed MBALA | Le Messager